Et au service du seul présent comme un outrage, Gérard Berréby, donne dès le début de son livre l’état des lieux : “le temps s’étend vivant / absent / je ne sais pas / je ne sais plus”.
Existe chez le poète un sentiment de séparation (avec le temps va tout s’en va) mais aussi de cristallisation “au-delà des masques : et des vérités avariées”.
Mais pour Gérard Berréby “nommer c’est créer” et, en poète, il traduit l’innommable, l’énigme qui dissimule le chaos ou le monde tel qu’il est avec la ” brique rouge / des immeubles / de la petite ceinture / où s’entassent : gens cafards & punaises de lit”.
Et le jeu en vaut la chandelle.
Se découvre la coutume d’être de l’auteur là où l’ineffable ne tolère aucune entorse à l’éthique en matière de poésie. Pour la justice, le héros ne peut que relever des constats d’impuissance…
Mais il refuse à la plus infime parcelle de soumission sinon à l’amour qui brûle les ailes des aigles comme des étourneaux.
Sans prétendre au moindre changement, l’auteur aspire simplement à veiller au respect dû, à honorer sans faillir sa présence au monde.
C’est pourquoi il éponge les poèmes des voyelles chantantes “dans une mélodie verticale / avant le retour de l’angoisse / le début qui continue / des écrits vains”.
Il y a du Roberto Juarroz chez celui qui, de versets en proses éparses, revisite parmi les chacals ce qui est.
Il existe aussi, finalement, un bel hommage à Duras là où la maladie de l’écriture précède celle de la mort et signe notre finitude.
jean-paul gavard-perret
Gérard Berréby, Le silence des mots, éditions Allia, Paris, mars 2021.