La maladie de l’écriture ou le livre des questions
Trois personnages aux destins bien différents, décident (si l’on peut dire) de s’associer pour essayer de comprendre ce qui leur arrive. Ils s’entendent car chacun porte un deuil et pensent se soigner de concert.
Ce qui n’est pas simple dans une région perdue et une maison abandonnée où le narrateur — qui a initié cette aventure — impose ses règles étranges, proches de celles d’une secte.
Reste à savoir de quelles maladies les protagonistes sont les victimes. Pour l’orphelin surdoué qui apprend tout par cœur et possède l’oreille absolue, le médicament semble possible : il s’épanouira au piano. Pour Mathilde, ethnologue restée trente ans dans la forêt vierge et qui ne comprend plus les usages de son pays d’origine, elle se voit confrontée à une autre forêt indéchiffrable : celle des archives familiales.
Ce qui va lui permettre de comprendra la violence extrême de son milieu d’origine. De ces documents, elle va extraire des mots merveilleux et la voici devenue écrivaine sur le tard et sans le savoir.
Le narrateur, quant à lui, est un homme qui n’a pas écouté les conseils de son frère et demeure obsédé par des questions religieuses. Il restera le seul à ne pas guérir. Qui d’ailleurs pourrait le soigner ?
Atteint d’une grande capacité de prédiction, il vit tout en réalité ce qu’il a rêvé…
Ce livre marque un tournant dans l’œuvre d’Olivier Cadiot. La fiction sert paradoxalement à faire apparaître le réel et les trois personnages représentent sans doute trois faces de l’auteur, sorte de Musset des temps moderne.
Son narrateur finit par le rejoindre dans un dénouement autobiographique.
Le roman fait lever des questions : de quoi parle une œuvre qui mène au bord de limites où toute compréhension se décompose ? Quel réel représente-t-elle ? De quelle nature est la jouissance sidérée que ces trois histoires provoquent en nous ?
C’est d’ailleurs et aussi au lecteur d’en déchiffrer les intentions. D’autant que cette mise au clair peut aider à mieux évaluer ce dont on parle en fait quand est évoqué le terme de littérature — l’ancienne comme la plus contemporaine.
jean-paul gavard-perret
Olivier Cadiot, Médecine générale, P.O.L éditeur, Paris, janvier 2021, 400 p. — 21,00 €.