Il existe dans l’oeuvre d’Elisabeth Loussaut des décalages bien tempérés et précieux. L’auteure ( chercheuse en sociologie) devient en sa poésie aussi peintre paysagiste que conteuse dans cette double approche.
Née dans une famille protestante, son père étant pasteur, elle voyage dans tout l’hexagone et rencontre au fil des déménagements de ses parents des mondes complexes qu’elle se plaît à observer. A la recherche de l’humain elle est “un Lévi-Strauss miniature. Elle ne comprend pas tout mais elle cherche.”
Elle sait trouver la poésie là où elle n’est pas forcément : entre autres dans la matière humaine mais surtout dans la nature, la musique et la peinture où elle se retrouve plus certainement.
Elle cherche la lumière dans l’ombre comme toute peintre qu’à sa manière elle demeure.
Elle nous emmène d’abord dans un petit village de Mayenne. Et ce, au début du 19ème siècle. Le personnage est servante dans un relais de poste. Sa vie “s’instruit” par de courts récits semblables aux tableaux de Maîtres préromantiques.
La créatrice semble être la seule à connaître ses secrets, mais elle nous permet de traverser avec cette énigmatique Louise au fil des saisons, le rêve et la nostalgie. Là où bien des doutes sont émis.
La seconde partie change de registre. L’auteure propose son bestiaire jubilatoire et drôle en écho autant à La Fontaine qu’aux histoires naturelles de Jules Renard.
L’ensemble reste néanmoins un bain de jouvence par l’humour pudique que contient l’écriture d’une élégance naturelle et une finesse rares. C’est comme si elle attendait que la nuit tombe avant de commencer à créer. On peut imaginer qu’elle aime sentir que les gens dorment pour mettre au jour ses images et histoires à l’affût de la moindre nuance.
Et lorsqu’elle plonge sa langue dans l’encrier des étoiles, elle en extrait autant des comètes que des farces et attrapes aux joyaux rédempteurs qui font des lecteurs des voyageurs de l’ancestral comme du présent.
Le tout en une sensorialité en demi-teinte mais toujours présente dans des blondeurs frémissantes d’étranges poissons aux “écailles dorées”.
Lorsqu’un phosphène s’en va, un autre revient dans divers registres peuplés de vie.
jean-paul gavard-perret
Elisabeth Loussaut, L’étoile verte, suivie de Mon bestiaire, Z4 éditions, novembre 2020, 96 p. — 12,00 €.