Envoûtement et de désenvoûtement
Suzanne Doppelt s’inspire ici du film en noir et blanc de Gian Franco Mingozzi, Tarantula, tourné en 1961 dans le Salento, au sud de l’Italie. Dans sa “fiction” au sein d’une petite ville des Pouilles — Galatina — se produit un étrange rituel de dépossession. Il a pour objet l’araignée et sa morsure.
Il s’agit d’un exorcisme dansé et chanté. Cela dure plusieurs jours pour permettre une sorte de régulation de l’ordre social, une manière de donner du sens au désordre et d’apaiser des conflits individuels et collectifs.
Une forme de pseudo poison circule entre l’araignée, les musiciens, et les villageois rassemblés pour un tel évènement.
Les acteurs doivent s’identifier à l’araignée et danser comme elle puisqu’elle se déplace, dit-on, sur une musique effrénée car sa morsure est musicale.
Lors d’un tel cérémonial, il est question de pauvreté, d’ennui mortel, de conflits irrésolus. Bref, d’envoûtement et de désenvoûtement. Textes en prose poétique et quelques images jouent librement de ces différents aspects.
Suzanne Doppelt tisse à son tour une toile pour un hommage à la cérémonie cathartique, le rituel joué et symbolisé dont elle se fait l’écho aujourd’hui.
Elle réinvente dans sa propre écriture un théâtre arachnéen dont elle tire les fils. Cette cérémonie représente l’un des derniers cultes de possession en Europe et une « situation » particulière qui permet à l’auteur d’être somnambule sans erreur par la magie d’effets merveilleux.
Une telle déconstruction « perspectiviste » crée des images fantômes. Tout ce qui est vu crée le doute.
Le lieu de la scène devient un espace réel où le regard se perd puisque sa propre « mentalisation » est obérée. Un tel rituel reste fluctuant entre dépôts mais aussi débordements, s’agite et s’agence en reflets et échos.
Le texte tourne autour de telles images en vrac.
jean-paul gavard-perret
Suzanne Doppelt, Meta donna, P.O.L éditeur, Paris, 2020, 80 p. — 13, 00 €.