Derviche tourneuse de spéculations subtiles
La balade parisienne de Joe Sutton dirige vers une voie lactée, un passage obligé plus que vers une impasse ou un coupe-gorge. Paris devient un prétexte là où, le cœur en bandoulière, l’auteure l’arpente avec sourire.
Mais la tranche de vie est prise en sandwich dans des spéculations qui n’ont rien de farcesque même si le ton du livre reste enjoué.
Celle qui a grandi et vécu à Genève et Paris, et habite désormais à New York, se livre à un plaisir mental : celui de l’écriture (qui aurait pu être parfois resserrée). Par sauts et gambades entre quais, rues, jardins l’auteure propose des investigations philosophiques, littéraires et esthétiques des plus impertinentes, de Descartes à Robbe-Grillet.
Le réel et le présent sont décomposés en divers plongées sur le passé. Pour preuve, son approche de l’auteur du Discours de la méthode : “Au contraire de certains garçons sensibles et ambitieux que j’ai fréquentés, qui sont surtout excitants au début, Descartes gagne à être connu”.
Mais c’est le moyen pour l’auteure et sous forme de badinage d’affronter les oeuvres les plus hautes. Celles citées mais Nietzsche et Kierkegaard compris.
L’auteure y introduit l’idée d’outrepassement du temps ou de ce qui s’y passe par des réflexions sur des “éradicateurs radicaux”. Chaque temps d’une telle “narration” s’appuie sur le réel mais la créatrice n’en retient pas des détails pittoresques : juste ceux par lesquels l’anecdote devient un tremplin pour une méditation enjouée .
Sous forme de moue charmeuse, l’auteure nous entraîne sur les chemins étranges de fragrants délices d’une derviche tourneuse de spéculations subtiles.
C’est une occasion de se poser des questions sur “ce qui arrive” là où la réflexion prend des dimensions inattendues et astucieuses qui justifient une telle approche.
jean-paul gavard-perret
Joe Setton, Une chose menant à une autre, Editions La Baconnière, Genève, 2020, 192 p. — 18,00 €. / 24,00 CHF.