Avec ce récit, je voudrais que les jeunes d’aujourd’hui goûtent aux enfances d’avant
Avec ce récit, je voudrais que les jeunes d’aujourd’hui goûtent aux enfances d’avant.
Nous avons tous des souvenirs d’école et des souvenirs de livres sur l’école. Les souvenirs des autres, que ce soit La communale de Jean L’hôte, la classe menée par le père instituteur de Marcel Pagnol ou les bêtises du Petit Nicolas largement partagées par René Goscinny ; et nos propres souvenirs, endormis dans un coin de mémoire et qui se réveillent au détour d’une phrase : le bruit de la craie sur le tableau, les encriers qu’on remplit, l’évocation d’un livre de lecture suivie (“Tiens, j’ai eu le même”), un poème d’Emile Verhaeren qu’on a forcément appris, une carte de géographie qu’on sort d’un coffre en bois pour l’accrocher au tableau…
C’est tout cela que ressuscite Claire Mazard de son écriture entre rires et larmes, en nous laissant plonger dans son album personnel, le temps d’une année scolaire qui débute en 1967.
La petite Claire a 10 ans et raconte son CM2 au sein de l’unique école d’un village près de Montpellier : les leçons de l’institutrice qui donne le goût des mots, la réserve où sont rangés cahiers et buvards, les défis lancés dans la cour de récréation, les punitions (méritées), le chien de Mademoiselle Turquay qui dévore le goûter des enfants, les secrets des plus grandes qu’on aimerait partager, les premiers émois amoureux… Et puis il y a les autres enfants : Sylvie la confidente, Jeannette la simple d’esprit, prête à tout pour un geste d’amitié et les quatre Jacques ; “le beau Jacques” qui fait battre le cœur des écolières, Jacques “l’endormi” qui pique du nez dans ses cahiers, Jacques “le regardeur” affublé de ce surnom depuis qu’il a regardé sous les jupes de la maîtresse et Jacques le “boucher-poète” qui s’exprime en rimes plus ou moins heureuses.
L’aspect factice du premier chapitre irrite un peu (l’auteure s’empare du stylo après avoir retrouvé une photo de classe) puis on se laisse prendre au jeu de la nostalgie et à la douceur de ce récit d’une enfance heureuse, émaillée de petites péripéties et de deux grands mystères : Boulet, le chien gros comme un poney, disparaît et un étrange corbeau laisse des messages à la craie sur le mur des toilettes. Mystères qui ne seront résolus que bien des années plus tard…
Claire Mazard réussit haut la main un exercice convenu, en traduisant avec sobriété et justesse les émotions et les sentiments d’une petite fille sensible ; et en gardant assez de distance pour donner à son récit l’allure d’un roman.
patricia chatel
Claire Mazard, La cour des acacias, Syros coll. “Tempo”, janvier 2006, 144 p. — 5,90 €.
A partir de 10 ans.