Erri de Luca, quoique non montagnard de naissance, est fasciné par les Alpes qu’il connaît bien et dont il cultive l’arpentage en promeneur avide de présence à soi et au monde par exercice de la solitude.
La petitesse de qui nous sommes est mise en exergue par l’immensité de tels lieux.
D’autant que de tels périples sont riches sinon en périls du moins en imprévus : de la rencontre avec un cerf au franchissement d’une forêt déracinée par le vent. Il arrive même — comme dans ce livre — que sur les pentes escarpées des Dolomites, un homme chute dans le vide.
Et derrière lui, un autre homme donne l’alerte.
Les deux ne sont pas des inconnus l’un à l’autre. Ils furent jadis compagnons du même groupe révolutionnaire Mais le premier avait livré le second et tous ses anciens camarades à la police. D’où cette “rencontre” improbable dont la coïncidence ne peut — pour le magistrat chargé de l’affaire — être fortuite.
Et sa volonté est de faire avouer au suspect un meurtre sans doute prémédité puisque tout semble l’accuser.
Erri de Luca crée la tension nécessaire au combat entre le jeune magistrat et un vieil accusé potentiel et qui appartient à «la génération la plus poursuivie en justice de l’histoire d’Italie». Néanmoins, l’auteur se dégage d’une intrigue ou d’un scénario policier de type garde à vue.
L’interrogatoire se transforme en dialogue. Et au delà se crée une réflexion sur l’engagement, la justice, l’amitié et la trahison.
Ce sont là des thèmes chers à l’auteur. Le paysage est là pour créer une caution particulière à un tel entretien infini.
Cassant la chronologie qui trop souvent permet au “discours” de se poursuivre, l’auteur remonte une histoire dans l’Histoire. Et cette dernière s’en trouve réincarnée.
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jean-paul gavard-perret
Erri de Luca, Impossible, trad. de l’italien par Danièle Valin, Gallimard, coll. Du monde entier, Paris, 2020. A paraître le 20 août.