Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal

Un outil de tout pre­mier plan 

On ne pré­sente plus Les Fleurs du Mal de Charles Bau­de­laire. GF en livre une inté­res­sante édi­tion pen­sée par Jacques Dupont, avec une cer­taine originalité.

Le volume s’ouvre par une inter­view de Jean-Michel Maul­poix, pro­fes­seur d’université, théo­ri­cien de la poé­sie et poète éga­le­ment : l’entretien per­met de déga­ger quelques notions ou ques­tion­ne­ments qui seront autant d’aides à l’élève pour entrer dans le volume. Sur­tout, il donne une cer­taine cor­po­réité à la poé­sie, alors que la dés­in­car­na­tion de la lit­té­ra­ture pose sou­vent pro­blème aux élèves.

Suit une sub­stan­tielle intro­duc­tion, assor­tie de notes, qui com­mence par l’aspect bio­gra­phique pour rejoindre rapi­de­ment la réflexion sur l’homme  et son œuvre. Jacques Dupont étu­die d’abord les scan­sions de l’ouvrage, ses dif­fé­rentes sec­tions, sa com­po­si­tion par strates, recom­po­si­tions et ajouts.
Suit une étude thé­ma­tique : le mal, les enjeux spi­ri­tuels, la ques­tion du désir, les détails fai­sant la pro­fon­deur du poème, la somp­tuo­sité de la matière ver­bale, la notion de balan­ce­ment, d’antithèse, de musi­ca­lité, la pra­tique du col­lage aussi.

Une note pré­cé­dant le texte pré­cise que la ver­sion choi­sie est celle de 1861, der­nière publiée du vivant de Bau­de­laire, et donc seule incon­tes­table aux yeux de l’éditeur. Cette édi­tion se com­plète du texte des Épaves, publié en 1866, et qui com­por­tait comme ajout les pièces condam­nées et divers poèmes appor­tés par l’édition de 1866.
L’édition se com­plète des Ébauches pour un épi­logue, les Bribes, et des pro­jets de pré­face. Des notes et variantes (plus de soixante-dix pages) viennent étayer la pré­sen­ta­tion des poèmes : elles sont tou­jours éclai­rantes, jamais pédantes ni bavardes.

Des indi­ca­tions biblio­gra­phiques – tou­jours dif­fi­ciles à éta­blir dans une pro­duc­tion cri­tique aussi déme­su­rée que celle des Fleurs – guident le lec­teur qui vou­dra s’aventurer dans la lec­ture de la récep­tion de ce recueil fon­da­men­tal pour la poé­sie fran­çaise, et mon­diale. L’ouvrage pré­sente encore une « biblio­gra­phie chro­no­lo­gique » des Fleurs : année par année sont lis­tés les ajouts de poèmes, ce qui per­met de com­prendre aussi com­ment se forme un tel recueil : c’est extrê­me­ment inté­res­sant pour com­prendre la démarche du poète, et assi­mi­ler la manière dont se com­pose un « recueil », y com­pris après la mort de l’auteur, ce qui est le cas ici.

Enfin, celui qui vou­dra com­pa­rer divers poèmes entre eux, ou l’architecture des édi­tions suc­ces­sives, trou­vera un tableau de concor­dance des trois édi­tions des Fleurs du Mal (1857, 1861, 1868), mon­trant com­ment le poète, puis ses conti­nua­teurs, ont ordonné le volume. Une chro­no­lo­gie s’ajoute à la liste des outils mis à dis­po­si­tion dans ce si petit volume : elle per­met de prendre connais­sance de l’époque, de son contexte, et d’avoir un abrégé de la vie de l’auteur.
Une table alpha­bé­tique des poèmes par titres vient clore le volume, qui se ter­mine par une brève table.

Il s’agit ici, dans un for­mat modeste, et pour un prix déri­soire, d’un outil de tout pre­mier plan qui per­met­tra une lec­ture appro­fon­die, détaillée et scien­ti­fique de ce magni­fique recueil.

yann-loic andre

Charles Bau­de­laire, Les Fleurs du Mal, GF, édi­tion de J. Dupont,2020, 374 p. — 2, 80 €.

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