Ce qu’à d’autres est le quatrième recueil aux éditions Jacques Brémond de Monique Domergue. Il est composé de 13 moments de prose poétique où l’auteure exprime une rêverie et une réflexion à partir de Kapuscinsky, Alexievitch, Spinoza, Dostoïevski, Newton, le Psaume de David, Vian, l’Évangile de Jean, Molière, Billie Holiday, Yourcenar et Laupin.
Le livre est écrit sans ponctuation. Des espaces en segmentent le rythme et le souffle. La composition de Jacques Brémond et les dessins à la craie grasse de Jean-Paul Domergue facilitent la lecture/vision des textes de la savoyarde. S’y retrouvent le dénuement, l’amour de l’exilé, du démuni qu’elle affectionne, ses admirations et tous les visage “que je n’ai pas croisés et qui me/manquent le dehors est un dedans ».
Un texte par page — avec la citation qui le précède — crée la porosité d’un “moi” des plus pudique et mis au neutre. Il rappelle à chaque fois que tout s’écrit en écho à l’autre et au monde. Dans le tremblement d’un pétale ou un cristal déniché dans des montagnes qui passent de la boue au rocher après une certaine altitude.
Les Alpes font échapper à la barbarie des orpailleurs de tout genre et pour lesquels le crime s’habille “de draps clairs choc du cou sous la hache cri du crâne sur le roc chaloupes renversées grappes d’humains comme des chats”. Contre la violence grégaire, la créatrice met dans ses tuyaux poétiques une profonde douceur.
L’amour est là comme une particule précieuse et parfois un mirage à qui le cherche. Mais au-delà des veaux d’or une extase humaine reste possible là où apparaît une “petite fille petite fleur de merisier toutes deux sauvages sauvées dans la confiance et ce savoir frêle et têtu d’une vie à l’autre suspendue”.
Il s’agit donc d’aimer encore et au besoin se laisser prendre en surprise par l’ombre et non la proie, par la beauté des saisons et non les châteaux en Espagne au-delà des vanités étendues et des contrées parfois dévoyées par leurs prédateurs.
jean-paul gavard-perret
Monique Domergue, Ce qu’à d’autres, Editions Jacques Brémond, 2020., 13 p.- 20,00 €.