Tristes penseurs et grandeur de Kafka
Jean Esponde avec L’arrestation sous titré “Derrida-Kafka” s’engage dans une fiction ambitieuse où l’élément proprement romanesque passe au second plan. Le récit se déroule selon deux axes : un voyage à Prague et sa description et une sorte de réflexion sur la littérature : Kafka bien sûr, Derrida son lecteur mais, au-delà, toute une plongée chez les essayistes et philosophes (pas toujours reluisants de la French Theory).
A côté de maîtres de la déconstruction apparaissent Foucault, Barthes et bien d’autres dont Benoît Peeters et Sollers (accessoirement).
La structure narrative est tout aussi complexe. Un aspect purement narratif et descriptif de doubles, du côté roman épistolier au sein d’un échange entre le personnage masculin (critique littéraire) et une jeune doctorante. Dans ce melting pot surgissent bien des pépites dont une réflexion impertinente sur l’oeuvre de Kafka.
L’auteur y souligne par exemple “l’écriture-herse” de La Colonie Penitentaire qui devient un machine à tuer, ou encore l’importance de son Journal cité abondamment et avec raison par Esponde.
Ce puzzle reste parfois bancal dans son économie biscornue. A trop embrasser, l’auteur étreint mal. Dès lors, l’incident qui préside au livre (l’arrestation momentanée à Prague de Derrida) reste un épiphénomène même s’il a, tout compte fait, le dernier mot dans un tel corpus.
Celui-ci se cherche entre réflexions pertinentes — à charge envers des penseurs qui ne sont pas toujours, tant s’en faut, à la hauteur de leurs oeuvres — et une déambulation dont — en dépit de précisions — le sens se perd parfois.
Mais le livre apparaît déjà comme le possible prolégomène d’un autre ouvrage à venir.
jean-paul gavard-perret
Jean Esponde, L’arrestation. Derrida-Kafka, Editions Atelier de l’agneau, St. Quentin de Caplong, 2020, 154 p. — 18,00 €.