Gustave Kervern & Benoît Delépine, Effacer l’historique — Ours d’Argent Berlin 2020

Galette-saucisse et “spoi­lage” de face(book)

Effa­cer l’historique vient de rece­voir l’Ours d’Argent de la Ber­li­nade 2020 et sera en salles en avril. Cette farce montre des êtres en déroute car induits par les injonc­tions des réseaux numé­riques. Ces der­niers mettent le bor­del dans la tête et l’existence de trois per­son­nages, amis et voi­sins d’un même lotis­se­ment.
Marie (Blanche Gar­din, génia­lis­sime) qui a du mal à joindre les deux bouts depuis que son mec l’a pla­quée subit un chan­tage à la sex­tape. Un étu­diant cra­pu­leux (Vincent Lacoste) menace de dif­fu­ser les images d’une  nuit d’amour dont elle n’a aucun sou­ve­nir tant elle avait bu. Ber­trand (Denis Poda­ly­dès) se déses­père de sau­ver sa fille du har­cè­le­ment qu’elle subit au col­lège à cause de vidéos humi­liantes. Quant à Chris­tine (Corinne Masiero), chauf­feuse VTC, elle se désole de ne rece­voir qu’une étoile de satis­fac­tion sur Inter­net, en dépit de tout le mal qu’elle se donne.

Ces trois effets du pou­voir d’un numé­rique qui magné­tise ses vic­times sou­lignent l’écrasement d’un petit monde dont l’univers craque. Les vic­times inno­centes cha­virent, se déses­pèrent puis, ayant tou­ché le fond de leur pis­cine (méta­phore), se rebiffent. Le pam­phlet est réussi (bien plus que le Saint Amour des réa­li­sa­teurs).
Il y a là un côté Cof­fee and Ciga­rettes de Jar­musch dans l’esprit de déca­lage, d’abattement et de révolte ( trium­vi­rat idéo­lo­gique) de Ker­vern et Delépine.

Rythmé par une suc­ces­sion de say­nètes dans sa pre­mière par­tie, le film des maîtres de Gro­land fait que tout dérape. Benoît Poel­voorde, Bouli Lan­ners, Vincent Dedienne, Michel Houel­le­becq sont les abcès de fixa­tion d’une série de sketches qui assument au besoin un néces­saire mau­vais goût afin  que la satire réus­sisse là où le moindre inci­dent peut avoir des consé­quences inat­ten­dues.
Il suf­fit qu’un livreur (Pool­ve­voerde) boive un café chez une cliente bien­veillante pour que tout bascule.

Juste  après la dif­fu­sion d’images intimes d’un can­di­dat à la mai­rie de Paris et l’amoncellement de rumeurs sur le coro­na­vi­rus,  la réa­lité semble déjà dépas­ser cette fic­tion. Néan­moins, un tel film crée un néces­saire ravage. Les trois vic­times décident de réagir et de par­tir en guerre contre les géants d’Internet. Une bataille fou­tue d’avance.
Enfin presque - mais il faut lais­ser au spec­ta­teur le plai­sir de la découverte.

En tout état de cause, Effa­cer l’historique prouve — et la Ber­li­nade l’a com­pris — que l’esprit de rébel­lion n’est pas mort. Au contraire.
Les deux auteurs, tels de nou­veaux Mocky,  l’illustrent  chaque semaine sur Canal + avec Gro­land et presque chaque année  dans leurs films (Mammuth,Near Death Expé­rience, etc.)  super­be­ment fou­traques et dadaistes.

jean-paul gavard-perret
Effa­cer l’historique

De : Gus­tave Ker­vern & Benoît Delé­pine
Avec : Blanche Gar­din, Bouli Lan­ners, Corinne Masie­ro­Genre : Comé­die, Drame
Durée : 1H46mn
Sor­tie : 22 février 2020

Synop­sis

Dans un lotis­se­ment en pro­vince, trois voi­sins sont en prise avec les nou­velles tech­no­lo­gies et les réseaux sociaux.Il y a Marie, vic­time de chan­tage avec une sex­tape, Ber­trand, dont la fille est har­ce­lée au lycée, et Chris­tine, chauf­feur VTC dépi­tée de voir que les notes de ses clients refusent de décol­ler. Ensemble, ils décident de par­tir en guerre contre les géants d’Internet.Une bataille fou­tue d’avance, quoi que…

Leave a Comment

Filed under cinéma, Espaces ouverts

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>