Jan Fabre a connu sa période bleue. Pour seul outil en un tel épisode : un stylo Bic Bleu. Plus de 200 000 lui ont été nécessaires pour colorer des surfaces géantes. Tout a commencé pourtant de manière accidentelle le jour où il suivit de la pointe de son Bic le parcours d’un scarabée sur une boîte à chaussures.
Des arabesques ainsi créées, il a fait un style qu’il applique à des toiles ou à des meubles. Ces oeuvres se révèlent d’une beauté et d’une profondeur sidérante. Jan Fabre graphie sur le papier les visions métaphoriques que sont des suites “d’heures sauvages” et fugaces entre chien et loup.
Existe là un versant prolifique de la création polymorphe de l’artiste. Elle s’avère particulièrement éclairante pour saisir le développement de son langage symbolique. S’y découvre l’aspect sans doute le plus dépouillé et le plus intime de son œuvre.
Dans le bleu profond des surfaces griffonnées au Bic transparaissent la fragilité et l’exigence besogneuse du geste. Celui-ci transporte le regardeur dans un univers énigmatique encore peu connu même si ce travail est déjà ancien.
Le remontrer est le meilleur moyen d’entrer dans la matrice de l’oeuvre et sa puissance de force à la fois concentrée et dispersive.
Le dessin au stylo n’est jamais pour Fabre et comme il l’écrit “une machine à laver qui brasse tout à l’identique. C’est un processus toujours en mouvement.”.
jean-paul gavard-perret
Jan Fabre, L’heure sauvage, galerie Templon Bruxelles, du 9 janvier au 22 février 2020.