Marianne Vic, Guerre et père & Christophe Mouton, Consister à vivre

Marianne Vic, Guerre et père & Christophe Mouton, Consister à vivre

Famille je vous hais

Liquider ses parents sur la place publique semble être devenu un vrai filon, à en croire la fréquence des publications de ce type, ces dernières années, et le choix des éditions Fayard d’en faire paraître deux le même mois. Marianne Vic (connue pour être la nièce d’Yves Saint Laurent) expose le cas de son père, ancien membre de l’OAS et amateur d’aventures, qui n’a pas réussi grand-chose, à part dilapider la fortune familiale et garder ses distances envers sa benjamine, après le jugement de divorce qui l’a confiée à sa mère.
A priori, le projet d’enquête au sujet de ce personnage fuyant pouvait mettre le lecteur en appétit mais, au fil des pages, il s’avère que l’auteure a fait moins d’efforts de recherche et d’élucidation qu’elle n’en promettait, préférant s’adonner à l’animosité qu’il lui inspire : “Gabriel : le rejeter, le vomir, le sortir de soi. Puis, comprendre cet engrenage qui fut le sien et retrouver l’altérité“ (p. 172).

La première partie de ce programme est mieux remplie que la seconde, un constat que renforce la manière dont la narratrice réduit à presque rien le point de vue sur le père de sa demi-sœur, qui l’a pourtant fréquenté davantage et probablement bien mieux connu. Pour finir, on est fort surpris de lire, à la page 225, que Marianne Vic accorde à Gabriel “l’absolution“, à l’issu du “procès“ qu’elle lui a fait à travers ce livre, et que “cette sentence est rendue par amour“ : si c’était vraiment le cas, aurait-elle tenu à laver son linge sale en public ?

Christophe Mouton, lui, a pâti d’un père non pas absent, mais beaucoup trop présent et qui tenait à se mettre en valeur à tout moment, au détriment de sa progéniture et avec la complicité de sa femme. Ce cas de figure nous est exposé dès le premier chapitre, ainsi que la tentation du narrateur (comme chez Marianne Vic) de faire un procès, sinon au tribunal du moins par le biais de l’écriture (pp. 31-32) – à ce propos, un concept de Philippe Muray nous revient irrésistiblement à l’esprit, nous incitant à dresser une liste des auteurs contemporains qui n’ont pas d’autre raison d’être que “l’envie du pénal“, liste qui promet de se rallonger plus vite que ne poussent les bambous.

Le reste de l’ouvrage n’est malheureusement que redites et ajouts redondants à l’appui des idées que les parents Mouton étaient pervers et que leur fils en a été marqué. Ce serait moins fastidieux à lire si ce n’était pas rédigé dans ce style : “Néanmoins, cette fréquentation de la perversion en famille fut structurante, si fondamentale et si première que beaucoup de ce que j’ai fait y trouve son origine : peurs, erreurs, incompréhensions et combats mêlés.“ (p. 33) ; “Le souci est que le désir d’être sans rapport avec quelque chose oblige à prendre cette chose en compte pour pouvoir s’en éloigner, le fameux problème du « je suis contre, tout contre ».“ (p. 56) ou “Mais, ne voir que le manque est oublier trop vite que l’éducation des garçons traditionnelle incluant cette dimension peut souvent avoir des aspects traumatisants.“ (p. 79).
Arrivé à la page 157, on apprend que ce livre est le premier tome d’une trilogie. Un vrai filon, vous dis-je, même si rien ne garantit assez de lecteurs dotés de la patience qu’il faudrait pour lire la suite.

agathe de lastyns

Marianne Vic, Guerre et père, Fayard, janvier 2020, 240 p. – 18,00 €,
Christophe Mouton, Consister à vivre, Fayard, janvier 2020, 180 p. – 17,00 €

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