Celui qui s’obstine à n’y rien comprendre: entretien avec Emmanuel Jourdes (Pré­am­bule à un voyage)

Amateur de Cohiba — quoique plus attiré par l’Afrique que les Amé­riques et ses champs de tabac– , Emma­nuel Jourdes aime autant lire la Bible que les sémi­naires de Lacan (il est vrai que les deux sont écrits non direc­te­ment mais par tra­di­tion orale). Tou­te­fois, il appré­cie aussi des laïus plus mini­ma­listes qui n’appartiennent ni aux ado­ra­teurs de Dieu ni aux ratio­ci­na­teurs gou­rous de Lacan.
A ce titre, Michaux et Kafka plus concis sont sans doute du bois dont on fait non les croyants mais les dubi­ta­tifs. L’exercice de l’incertitude et les som­maires athéo­lo­giques sont plus consé­quents que les calem­bre­daines divines. Elles font moins de vic­times. Et l’Afrique dont Jourdes reste - en ama­teur de Jazz et de cacaoyers — le chantre est en pre­mière ligne pour le rappeler.

Emma­nuel Jourdes, Pré­am­bule à un voyage, Edi­tions des Van­neaux, Bor­deaux, 2019, 102 p. — 17,00 €.

 Entre­tien :

Qu’est-ce qui vous fait vous lever le matin?
Un chien , co — pro­priété avec mon plus jeune fils, je me le cogne le matin.

Que sont deve­nus vos rêves d’enfants ?
Est-ce que j’ai des rêves d’adultes? Je ne sais pas.

A quoi avez-vous renoncé?
Obs­tiné. Je suis obs­tiné à n’y rien comprendre.

D’où venez-vous?
De Bre­tagne. Mon grand-père était Capi­taine dans la Trans­at­lan­tique. Magni­fiques pho­tos prises sur son bateau. En Bre­tagne, à Vannes, je suis né pour ainsi dire dans la librai­rie de mon père.

Qu’avez-vous reçu en dot ?
En Afrique la dot fait le mariage. J’y ai échappé. J’ai eu tort je crois.

Un petit plai­sir quo­ti­dien ou non?
En ce moment : un cigare et un verre (ou 2 !) de vin rouge ; bio de préférence.

Qu’est-ce qui vous dis­tingue des autres écri­vains ?
Je suis pas l’auteur à la hauteur.

Quelle est la pre­mière image qui vous inter­pelle?
Sans doute une femme impénétrable.

Et votre pre­mière lec­ture?
La “Miche de pain” peut-être? où j’ai appris à lire. Mais non: la “Comé­die humaine” de Bal­zac et “Le Roman de la Rose”, magni­fique (1ère version).

Quelle musique écoutez-vous ?
Du Jazz. Mais je vais écou­ter (ou aller voir ?) la messe en si mineur de Bach, on me le conseille ; j’y connais rien.

Quel est le livre que vous aimez relire ?
Plu­sieurs à la fois : la Bible d’André Chou­ra­qui et les sémi­naires de Jacques Lacan.

Quel film vous fait pleu­rer?
“Autant en emporte le vent” et ses si beaux acteurs.

A qui n’avez-vous jamais osé écrire?
Incons­cient, je ne sais pas ne pas oser.

Quelle ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Sans l’ombre d’un doute, TOMBOUCTOU (livre magni­fique de René Caillé, son rêve d’enfant, son voyage,
l’incrédulité de tous à son retour).

Quels sont les artistes et écri­vains dont vous vous sen­tez les plus proches ?
Henri Michaux et Franz Kafka dans ses textes très courts.

Qu’aimeriez-vous rece­voir pour votre anni­ver­saire?
Une boîte de cigares rou­lés comme on dit qu’ils sont roulés.

Que défendez-vous?
Mon tra­vail, c’est-à-dire un espace d’accueil dans le centre de Bor­deaux, d’accueil et de vie, vivant, des étran­gers et des gens dans la mouise.

Que vous ins­pire la phrase de Lacan : “L’amour c’est don­ner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas” ?
L’amour etc
. Homme, femme quelle his­toire ! Pourrait-on entendre que les femmes sont des poé­tesses, pour les hommes c’est bien plus com­pli­qués ; les femmes, quand elles entendent qu’il faut lais­ser tom­ber le manche. Excep­tion faite bien sûr des sor­cières, qui le mettent entre leurs jambes pour leur vol. Mais là il faut être pru­dent. Pas les aimer.

Quelle ques­tion ais-je oublié de vous poser?
Sur votre article. Quelques uns ont lu Pré­am­bule. Des femmes ; mon fils aîné ; quelques autres. Vous avez entendu je crois qu’il s’agit d’un livre, et pas de 2 par­ties dis­tinctes ! Le désir, puis : “Maîtres et esclaves”, voilà le mot. C’est impor­tant. Un homme, Molière, dit ça super­be­ment. C’est Amphi­trion. Pré­senté au Maître d’alors : il est nu, il est bête, il com­prend rien. Aujourd’hui, ce Maître on le pré­tend brillant. Quelle conne­rie ! Molière nous manque.

Entre­tien et pré­sen­ta­tion réa­li­sés par jean-paul gavard-perret pour le litteraire.com, le 25 décembre (ce jour me rap­pelle quelque chose…) 2019

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