Du présent faire (presque) table rase
Il est des présences qui tiennent, des rencontres qui comptent. Surtout à l’adolescence. Surtout lorsqu’elles reviennent sous forme d’un fait-divers. Pour le héros de ce livre, le nom de celui qui fut le modèle et le seul ami de collège se retrouve sous forme d’affiche lumineuse dans Times Square. Il est traité d’assassin d’une mexicaine.
Ce que le héros ne peut ni croire, ni accepter. D’où son retour sur le passé en une enquête filée tant le présent écrit semble dévoyé.
Cette remontée, si elle éclaircit quelques points, en assombrit bien d’autres ; rien n’est sûr. Il faut pourtant contre l’engloutissement des médias dénoncer des mensonges, des messages et leurs idées préconçues. Bref, il convient d’écrire contre ce qui trompe et laisse émerger des voies qui ne sont pas forcément les bonnes.
Même si l’abstraction des mots n’aura jamais raison de tout.
Demeure la salissure que tout message engage et qui mène à la danse. Elle ne laisse cependant aucune place au passé. Mais c’est là que la mémoire, au lieu de s’effriter, résiste. Même si son fil est ténu.
Il est encore possible qu’émergent des fragments liés à une sorte d’admiration là où l’auteur ne se veut ni du seul passé ni du trop simple présent.
Le héros — sans se vouloir autiste à ce qui est affirmé — ne veut pas se prendre en une condamnation donnée comme vérité. Et le roman sans réparer, ni épargner bourreau et victime perce les mensonges médiatiques d’une société.
Et ce, au nom d’un temps qui ne se perd pas forcément peu à peu.
jean-paul gavard-perret
Fabrice Humbert, Le monde n’existe pas, Gallimard, collection Blanche, Paris 2020.