Le parti-pris de Rollet est clair. Il ne retient que les films capables de proposer de rejoindre nos limbes et notre inconscient. Il retient ce qui, dans le cinéma, appartient à la révélation de l’« inconscient visuel » par les « espace négatifs » que creusent souterrainement les “films termites” libérés de toutes propension à la simple distraction par effet miroir.
L’auteur s’appuie sur un certain cinéma hollywoodien (Victor Sjöström, Leo McCarey, Jacques Tourneur, Samuel Fuller), des oeuvres underground (Helen Levitt, Janice Loeb, James Agee, Robert Frank) et celles inclassables Jean-Claude Biette ou de Danièle Huillet et Jean-Marie Straub.
Leurs différentes réverbérations prennent une force subversive dans une confrontation qui s’articule à la fois sur de l’artifice et sur du concret. Le premier devient l’architecture du second et vice-versa au sein de telles approches. Elles donnent l’image d’une vaste et dérisoire comédie humaine des miasmes et profondeurs.
S’y engouffre tout l’inconscient de l’individu et du collectif.
Rollet révèle tout un pan des transformations de la narration par divers types d’effondrements. Elles amusent, intriguent, angoissent. Il existe dans ce jeu quelque chose d’essentiel : à savoir qu’une une idée d’un individu ne peut exister sans son contraire et que la lumière de l’image ne peut se passer de son ombre portée.
De tels films ne se construisent pas exclusivement avec un référent réel mais surtout avec un référent déjà imagé mais qui se dégage de tout imaginaire frelaté.
Certes, les choix de l’auteur sont partiels et partiaux. Et chacun selon ses goûts et ses options trouvera à redire.
Mais Rollet pose comme préalable un doute quant au champ de la représentation pour y chercher ce qui résiste du réel, ce qui à l’inverse appartient au simulacre et ce qui fait travailler l’inconscient par un combustible bien diffèrent que le simple opium optique fait pour satisfaire les besoins les plus immédiats de la mimesis.
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jean-paul gavard-perret
Patrick Rollet, Descentes aux limbes, P.O.L éditions, 2019, 272 p. - 19, 90 €.