Maureen O’Brien, Les Fleurs sont faciles à tuer

Première enquête de l’inspecteur John Bright dans les milieux bran­chés de la BBC et du théâtre.

Millie Hale est une jeune comé­dienne anglaise qui vit de petits contrats depuis quelques trop longues années déjà. Alors qu’elle va visi­ter une mai­son que pro­jette d’acheter sa meilleure amie, elle découvre cette der­nière morte. Les deux femmes se res­sem­blaient mais la morte avait tout en mieux. À par­tir de cet ins­tant, tout va bas­cu­ler. L’enquête est menée sous la haute férule de l’inspecteur John Bright aux manières assez bru­tales. Car l’inspecteur est un véri­table pun­cheur. Sa spé­cia­lité, envoyer les témoins et les sus­pects dans les cordes pour que le cou­pable s’estime vaincu par KO. Et ici, chaque témoin est un suspect.

Tout d’abord Mil­lie qui hérite d’un rôle dans une série de la BBC qui aurait pu reve­nir à son amie si elle n’avait pas été enceinte. Car Liza atten­dait un enfant de Paul, son petit ami. La nou­velle était suf­fi­sam­ment récente pour que sa propre mère ne soit pas encore au cou­rant. Et puis il y a Paul, un être qui fuit dans les bras de ses mul­tiples conquêtes ses res­pon­sa­bi­li­tés, et dont est encore amou­reuse Mil­lie. En effet, avant de ren­con­trer Liza, Paul était le petit ami de Mil­lie. En der­nier lieu, il y a la mère de Liza, elle aussi amou­reuse de Paul. En résumé, trois femmes aiment un homme. Il a jeté son dévolu sur une. Elle meurt alors qu’elle sem­blait sur le point de fon­der un foyer et une famille - ce qui pou­vait avoir de grandes chances de déplaire aux trois sur­vi­vants. Après, c’est un peu la déchéance. Seule Mil­lie ne sombre pas dans l’alcool. En revanche, alors que tout le monde la découvre et l’aime — Mil­lie est char­mante et très bonne comé­dienne - Paul et sa “belle-mère” la haïssent. Car pour eux, elle est la meur­trière.
L’enquête pié­tine pour abou­tir à un non-lieu : les supé­rieurs de “Lame-de-couteau”, l’inspecteur John Bright aux “A-ah” éner­vants, décident en effet de clas­ser l’affaire. Ce qui n’est pas du goût de notre limier qui réus­sit tou­jours ce qu’il entre­prend et sait ce qu’il veut. De plus John Bright est amou­reux de Mil­lie. S’il part lar­ge­ment per­dant dans son entre­prise de conquête du cœur de sa comé­dienne — il l’horripile au plus haut point, la rend ner­veuse et son stra­bisme n’arrange rien — il ne s’avoue pas vaincu car John Bright ne connaît pas la défaite.

Cette pre­mière enquête de l’inspecteur John Bright déroute par son “mode nar­ra­tif” : le récit est pris en charge par Mil­lie, et non par John Bright, comme on pour­rait s’y attendre. L’inspecteur en est sou­vent absent et dis­pa­raît même du récit pen­dant un bon tiers. Mau­reen O’Brien reprend ici une tech­nique déjà uti­li­sée par Aga­tha Chris­tie dans Le Meurtre de Roger Ackroyd, entre autres. Elle y rajoute des dia­logues nom­breux et rapides. Les Fleurs sont faciles à tuer est un roman au style sobre et qua­si­ment dénudé qu’il serait facile d’adapter pour le théâtre. 
Mau­reen O’Brien délecte odieu­se­ment quand elle dépeint la déchéance de deux êtres qui sombrent dans l’alcool et dans le rejet de la vie. Bien qu’elle s’éloigne un peu, ainsi, du cœur véri­table de son roman, qui est quand même la décou­verte du cou­pable — laquelle sur­vient fina­le­ment grâce à des arti­fices bri­tan­niques clas­siques mais effi­caces. Quant à John Bright, il étoffe sa car­rure tout au long du récit, il prend corps petit à petit, il s’humanise à mesure qu’on le sent friable et on a hâte de le retrou­ver au mois d’octobre 2006 et de décou­vrir de quel mode opé­ra­toire usera Mau­reen O’Brien.

julien védrenne

   
 

Mau­reen O’Brien, Les Fleurs sont faciles à tuer (tra­duit de l’anglais par Lalla Lenda), HB Édi­tions, jan­vier 2006, 342 p. — 22,00 €.

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