Le travail en profondeur de l’auteure croate Anka Zagar cherche à introduire dans la poésie une déstabilisation du logos en jouant sur divers plans et à travers des glissements sémantiques pour dire l’amour au singulier comme celui — pluriel — qui s’empare du “souffle humain”. La poétesse peut sembler parfois peu claire sur le fond lorsqu’elle énonce : “le mot ne se dit pas / le mot on l’est tout simplement”.
Mais elle sent bien que c’est plus compliqué : pour preuve, elle écrit.
Le moi pour se dire à besoin de se lancer dans l’aventure de la langue. Elle émet des scènes presque cubiques dans leur stylisation et décomposition pour offrir un saut hors du lyrisme classique. Cela ne manque pas de panache dans une trajectoire intime et générale et un travail de résistance à ce que les mots pourraient trop facilement laisser filer.
Bref, Anka Zagar crée un barrage afin que sa poésie soit plus prégnante et ne se perde pas en fumée romantique.
jean-paul gavard-perret
Anka Zagar, Murmure de la matière, traduit du croate par Martin Kramer, L’Ollave editions, coll. Domaine croate / poésie, Rustrel, 2019 — 13,00 €.