Face à un tel roman, le dernier livre de Yann Moix (Rompre) pourra facilement passer pour un chef-d’oeuvre. Voulant nous emporter dans la forêt profonde d’un couple, le narrateur cocufié voit remonter vers lui des fragments du film Scènes de la vie conjugale de Bergman sur lequel il a jadis écrit un essai.
Se croyant d’une audace folle, cette triste confession — à laquelle une petite culotte imbibée du sperme d’un quidam sert de prétexte — reste une mise en scène téléphonée et complaisante. Se donner le mauvais rôle pour embrayer sur un Qui a peur de Virginia Woolf? encore plus mélo que l’original tourne presque à la farce insipide en guise de huis-clos dramatique.
Cela plaira sans doute au lectorat âgé qui “fait” maintenant le succès des romans. Un style torsadé sent la suffisance et l’assurance de celui qui a voulu tâter du détour cinématographique pour — avec circonvolutions prétentieuses - taquiner le poisson par le poison de la jalousie.
Le premier va s’ennuyer dans un tel bocal. Même si, et c’est bien connu, à l’inverse de l’homme trompé le menu fretin n’a pas de mémoire.
jean-paul gavard-perret
Philippe Limon, Scène de la vie conjugale, Gallimard, coll. L’infini, 2019, 168 p. — 15,00 €.