Inflammation du verbe vivre (Wajdi Mouawad)

Une fra­gile thé­ra­pie métaphysique

Wajdi Moua­wad appa­raît, natu­rel, consi­dé­rant le public d’un air inter­lo­qué, puis concerné. Le pro­pos limi­naire a les airs d’une confes­sion : « Si je me sou­viens bien… » Une répé­ti­tion du début de la repré­sen­ta­tion, au pré­texte d’une défaillance tech­nique, est l’occasion de rap­pe­ler notre fra­gi­lité, notre dépen­dance, tout l’éphémère qui nous réunit. L’autoréférence per­ma­nente peut don­ner un aspect com­plai­sant si ce n’est gran­di­lo­quent à l’exploration hagio­gra­phique qui est ici entre­prise.
Une inves­ti­ga­tion per­son­nelle, spi­ri­tuelle et même méta­phy­sique, puisqu’il s’agit de faire le grand voyage. La mort est figu­rée par le lâcher-prise d’un bai­gneur dans une mer agi­tée, qui le mène à la tra­ver­sée du Styx, conduit par un Char­ron à fière allure. L’acteur va et vient à tra­vers un rideau écran qui lui per­met d’intégrer les images pro­je­tées par­ti­ci­pant au récit.

Cette espèce de thé­ra­pie est d’abord une quête de soi où il est ques­tion de par­cou­rir le che­min qui sépare l’inanité du monde et la fra­gi­lité de l’engagement par lequel on s’y ins­crit. Ce voyage illu­miné est à la fois naïf et pre­nant : l’ingénuité de Wajdi Moua­wad excelle à revi­si­ter les pon­cifs et à s’en éton­ner. L’auteur est sou­vent tenté par une sur­ex­pli­ci­ta­tion de la démarche, qui peut l’alourdir. Pour­tant, de ce spec­tacle sourd un cer­tain charme, celui de l’authenticité, d’idées toniques, comme le fait d’interroger l’avenir dans les bribes de mots d’adolescents qui ne cessent de se dire sans futur.
Certes, il s’agit avant tout d’un film, d’une auto-démonstration, mais la pré­sen­ta­tion de cette pros­pec­tion per­met de la regar­der avec quelque dis­tance, sinon une pointe d’ironie. Il en reste un cer­tain nombre de valeurs – la poé­sie, le rire –, des images et les traces d’une recherche tou­jours mena­cée par sa propre ténuité.

chris­tophe gio­lito & manon pouliot

Inflam­ma­tion du verbe vivre

Texte et mise en scène Wajdi Mouawad

© Pas­cal Gely

Avec Wajdi Moua­wad (Wahid) Dimi­tris Kra­nias (le chauf­feur de taxi).

Assis­tant à la mise en scène en créa­tion Alain Roy ; assis­tante à la mise en scène en tour­née Valé­rie Nègre ; scé­no­gra­phie Emma­nuel Clo­lus ; dra­ma­tur­gie Char­lotte Far­cet ; musiques ori­gi­nales Michael Jon Fink ; réa­li­sa­tion sonore Michel Mau­rer ; lumières Sébas­tien Pir­met, Gilles Tho­main ; cos­tumes Emma­nuelle Tho­mas ; son Jéré­mie Mori­zeau ; construc­tion pla­teau Marion Denier et Magid El Has­souni ; image, son, mon­tage Wajdi Moua­wad ; fixing Adéa Guillot et Ilia Papas­py­rou ; tra­duc­tions Fran­çoise Arva­ni­tis ; assis­tant image et tra­duc­tions Vas­si­lis Doga­nis ; assis­tance mon­tage vidéo Domi­nique Daviet

Le décor a été construit par les ate­liers du Grand T. Le spec­tacle a été créé le 28 juin 2015 à Mons 2015 Capi­tale euro­péenne de la Culture.

Au Théâtre de la Col­line, 15, rue Malte-Brun, Paris 75020 01 44 62 52 52

du 8 au 30 novembre 2018 dans le Grand Théâtre

du mer­credi au samedi à 20h30, le mardi à 19h30 et le dimanche à 15h30 durée 2h15

http://www.colline.fr/fr/spectacle/inflammation-du-verbe-vivre

Le texte est publié aux édi­tions Leméac/Actes Sud-Papiers.

1 Comment

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One Response to Inflammation du verbe vivre (Wajdi Mouawad)

  1. Michel

    Plu­tôt aga­çante et sur­si­gni­fiante l’ accu­mu­la­tion des décharges, des sacs pou­belles, des ruines indus­trielles dégueu­lasses et taguées …
    Navrante l’accumulation de pon­cifs poli­tiques sim­plistes en cela dignes du café du com­merce, et par­fai­te­ment indé­cente l’utilisation des sui­cides d’adolescents réduite à sa bana­lité socio­lo­gique uni­voque !
    Indigne des pré­cé­dents spec­tacles de cet auteur .

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