Nul accroc dans la soierie de tels “monstres” fabuleux, enfin presque car même lorsque les formes se tordent un ange les tire par les pieds. Cet ange à un nom et comme prénom celui de la première des femmes : Eva Chettle. Elle nous ouvre les yeux. Ce n’est plus l’extase du vide qui guérit de la maladie du temps.
Car ‚soudain, les œuvres dans leur masse et leurs apparentes impasses, percent le réel : et qu’importe si sa fusion n’est pas au rendez-vous. Restent des fleurs nées de l’espace ou tirées de la mer et des ondées de grâce.
Eva Chettle sculpte et assemble une faune hybride. Repères et mythes sont métamorphosés en chimères qui ignorent les Gorgone. Celle qui se rêvait, enfant, paléontologue est devenue artiste pour forcer encore plus le passé à rejoindre au futur dont elle devient la primitive. Elle pratique la sculpture mais aussi le dépouillage, le nettoyage et le montage ostéologique des animaux morts.
Puisant dans le répertoire d’os, coquilles, graines, cornes chinés ou trouvés dans sa balades et les adjoignant aux fer, bronze, bois, résines, elle crée divers emboîtements et réseaux poétiques fabuleux. Si bien que, par de tels remodelages, les enfants du futur font partie de sa meute.
Telle une intruse, elle brouille bien des cartes. Il se peut qu’avant de pouvoir parler à travers ses sculptures elle glissait en carpe grise dans le bocal sur le buffet. Elle avait beau ouvrir la bouche, elle ne la laissait rien entendre. Ce rien désormais monte à la surface où les bulles ne se contentent pas de crever : elles deviennent des œuvres étranges . Le créatrice y redouble de virtuosité. Elle déniche des possibles. Cela la conforte dans une étrangeté.
Elle n’a pas besoin que les autres cherchent des explications, déplient des raisons. Elles s’emboîtent dans une telle œuvre sans qu’ils aient à en connaître le fonctionnement. Plus besoin de patères austères ni de matrones panthères pour lui indiquer sa piste.
Parfois, en addenda à ses œuvres, elle ouvre un carnet pour en parler. Telle une fée, elle déplie son secret. Face à un tel imaginaire, d’autres à sa place auraient perdu le fil ou pris la poudre d’escampette.
Eve Chettle se « contente » de poursuivre sa quête en charmeuse de serpents à sornettes (mais des autres aussi).
jean-paul gavard-perret
Eva Chettle, Fabuleuses chimères, collection L’œuvre contée — Textes en collaboration avec Marie Delarue, Préface de Stéphanie Barnay-Verdier, Editions L’œil de la Femme à Barbe, Paris, 2018, 80 p. — 25, 00 €.
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