Amateurs d’alacrité s’abstenir. Christophe Stolowicki nous entraîne dans une déambulation littéraire (avec Flaubert, Pérec, Boughakov entre autres) mais surtout existentielle à l’occasion d’un deuil récent dont il ressort à peine. Ces réminiscences emportent au sein d’un parcours initiatique dans lequel la victime de la maladie, de l’agonie et de la mort reste en partie masquée : s’agit-il de l’épouse, d’une “femme enfant” ou de la mère ?
Certes, parfois cela semble clair : “Tu es entrain de perdre ta femme et tu ne rends pas compte” écrit celui qui l’accompagne dans une résilience à caractère paradoxal.
Ici, la psychanalyse ne serait — si l’auteur en croit un de ses amis — en rien un moyen de l’aider “pas à pas”. Pour autant, il ne fait pas contre mauvaise fortune bon coeur. La violence est omniprésente dans un chemin morbide et glauque. Il faut attendre la page 70 pour que de “mois en mois” le texte prenne “son essor d’hommage”.
L’auteur construit son deuil seul, en spéléologue et celle qui est partie n’a pas à redouter qu’une tierce femme vienne se glisser dans le lit de la morte. “Seul comme j’ai toujours été seul”, Stolowicki en son “célibataire veuvage” ne fait pas de la retape même si “lecteur de poésie”, il “aime les filles et se heurte aux hommes”.
Le livre est âpre et nul n’a envie de ressembler soit à celle qui agonise, soit à celui qui l’accompagne. L’auteur ne fait éprouver aucune sympathie pour l’un ou pour l’autre en un moment où même “un jour de sursis se paie cher”. Tout s’axe sur la douleur et la lente attente de la camarde là où les figures se troublent et où, au milieu des nues chastes, “on ne franchit pas le mur de l’inceste comme le mur du son”.
De l’agonie et des deux mois qui suivront la mort, le poète ne nous épargne rien. Avec celle qui fut “orpheline sur un siège éjectable” il faut qu’il règle ses comptes au sein d’une violence cathartique. En un tel moment, rien n’a lieu que le lieu : à savoir celui du “tombeau des siens” de l’ “Igitur“de Mallarmé.
Mais dans le mouvement à la fois de ressentiment eu égard à celle qui est partie et de plus bel hommage à “la lectrice, auditrice, princeps”, Stolowicki rappelle l’importance de celle qui fut trop et trop mal aimée. Elle a permis à l’auteur d’être qui il est et celui qu’il va devenir. Tout passe par un implacable bilan d’amour où les comptes sont faits dans la cérémonie cruelle des adieux.
jean-paul gavard-perret
Christophe Stolowicki, Deuil pour deuils, Lanskine, Paris, 2018, 88 p. — 14, 00 €.
Le cri .Violence catharsis de Stolowicki frère d’âme du critique de cérémonie .
Lisez plutôt l’article de Carole Darricarrère sur Sitaudis et l’extrait attenant.
Cordialement,
CS