Sophie Calle n’a pas de raison de se méfier de l’image. Pour preuve, elle y est rentrée par accident (et pour séduire son père) en photographiant son lit où dormaient connu(e)s ou inconnu(e)s. Il y avait là et entre autres l’épouse du regretté Bernard Lamarche Vadel (Gaétane) avant que cette compagne devienne célèbre sous ce « double nom » (cf. son livre chez Verticales/Gallimard).
Grâce à lui, Sophie Calle entra dans le monde de l’art contemporain. Ce dernier lui en fut bien redevable — au même titre que la littérature. Depuis, en effet, l’artiste invente divers jeux (parfois dangereux) qu’elle dédouble en parties imageantes et textuelles. La critique a retenu souvent son exhibitionnisme ou plutôt ses exhibitions. Derrière s’y cache pourtant bien autre chose : une extrême pudeur et une intelligence rare.
Pour l’amour des titres et par effet des voiles qui se retirent (et qui demeurent une de ses thématiques préférées), Sophie Calle a choisi des photographies sur lesquelles, avant que la soie qui la cache se soulève, est donné le commentaire ou la raison ( enfin une, car celles de l’inconscient nous dépassent) qui l’a poussée à appuyer sur le déclencheur. La photographie se découvre donc, en un second temps, dissimulée dans l’interstice de la reliure à la japonaise qui inverse le rapport classique où normalement l’image précède le texte.
Néanmoins, cette double ostentation possède un aspect particulier : tout reste de l’ordre de l’énigme et du mystère. Pas question de donner des clés au lecteur sinon celle que le curieux introduira là où les secrets sont montrés mais ne possèdent rien de salace. Proche de l’intime, la créatrice ne s’abandonne jamais à une telle facilité et commodité. Ce livre est donc l’histoire d’une accession à soi par l’intermédiaire de l’autre.
jean-paul gavard-perret
Sophie Calle, Parce que, Editions Xavier Barral, Paris, 2018 — 32,00 €.