Aurélie Filipetti brouille les cartes
Un tel livre est le type même de ceux qui sont lus avec des lunettes déformantes ou plus exactement des réactions épidermiques en fonction des options politiques voire sexistes (ou à l’inverse féministes) des lectrices et lecteurs.
Pourtant, l’auteure elle-même brouille les cartes dans ce qui est le cœur (à tous les sens du terme) de son roman vrai : une femme et un homme aux engagements opposés tombent amoureux. Idées, milieux des deux tourtereaux divergent totalement. D’un côté la haute bourgeoisie, de l’autre un milieu modeste. Les amoureux partagent néanmoins la même vision de la démocratie. Toutefois, elle ne fait pas le poids sous les ors de la République et de l’assemblée nationale.
Le couple sera victime moins de l’usure de leur amour que du laminage du monde politique. Les ex-amants en sont d’ailleurs devenus — chacun de leur côté — des « repentis » et ne s’en trouvent d’ailleurs pas plus mal. Mais plus que l’histoire d’amour par elle-même, le livre est une charge absolue et édifiante contre le si petit monde de la politique.
Des ors cités plus haut il ne reste plus rien. François Hollande est dézingué avec impertinence. Mais il n’est pas le seul. Aurélie Filipetti montre les mensonges des potentats, la mainmise des intérêts privés sur la cause publique, le mépris des Princes à l’égard de ceux qu’ils représentent et l’arrogance de certains ministres sur leurs « collègues » — surtout lorsqu’ils sont féminins et qu’ils se retrouvent taxés d’un « ma chérie » pour le moins déplacé.
L’auteure illustre combien le pouvoir devient l’ennemi de la politique digne de ce nom. Il ne connaît pas de morale. Or, sans elle, pas de politique — du moins en théorie. On dit Aurélie Filipetti orgueilleuse – mais que ne dit-on pas ? – mais toujours est-il que ce livre recèle une force rare.
La romancière autofictionnelle non seulement offre des portraits terribles (elle évite de citer les noms des usurpateurs mais Cahuzac ou Fabius avancent à peine masqués) mais elle illustre que dans le souvenir se cache de secret de la rédemption.
jean-paul gavard-perret
Aurélie Filipetti, Les idéaux, Fayard, Paris, 2018, 448 p. — 21,50 €.