Aurélie Filipetti, Les idéaux — Rentrée 2018

Auré­lie Fili­petti brouille les cartes

Un tel livre est le type même de ceux qui sont lus avec des lunettes défor­mantes ou plus exac­te­ment des réac­tions épi­der­miques en fonc­tion des options poli­tiques voire sexistes (ou à l’inverse fémi­nistes) des lec­trices et lec­teurs.
Pour­tant, l’auteure elle-même brouille les cartes dans ce qui est le cœur (à tous les sens du terme) de son roman vrai : une femme et un homme aux enga­ge­ments oppo­sés tombent amou­reux. Idées, milieux des deux tour­te­reaux divergent tota­le­ment. D’un côté la haute bour­geoi­sie, de l’autre un milieu modeste. Les amou­reux par­tagent néan­moins la même vision de la démo­cra­tie. Tou­te­fois, elle ne fait pas le poids sous les ors de la Répu­blique et de l’assemblée nationale.

Le couple sera vic­time moins de l’usure de leur amour que du lami­nage du monde poli­tique. Les ex-amants en sont d’ailleurs deve­nus — cha­cun de leur côté — des « repen­tis » et ne s’en trouvent d’ailleurs pas plus mal. Mais plus que l’histoire d’amour par elle-même, le livre est une charge abso­lue et édi­fiante contre le si petit monde de la poli­tique.
Des ors cités plus haut il ne reste plus rien. Fran­çois Hol­lande est dézin­gué avec imper­ti­nence. Mais il n’est pas le seul. Auré­lie Fili­petti montre les men­songes des poten­tats, la main­mise des inté­rêts pri­vés sur la cause publique, le mépris des Princes à l’égard de ceux qu’ils repré­sentent et l’arrogance de cer­tains ministres sur leurs « col­lègues » — sur­tout lorsqu’ils sont fémi­nins et qu’ils se retrouvent taxés d’un « ma ché­rie » pour le moins déplacé.

L’auteure illustre com­bien le pou­voir devient l’ennemi de la poli­tique digne de ce nom. Il ne connaît pas de morale. Or, sans elle, pas de poli­tique — du moins en théo­rie. On dit Auré­lie Fili­petti orgueilleuse – mais que ne dit-on pas ? – mais tou­jours est-il que ce livre recèle une force rare.
La roman­cière auto­fic­tion­nelle non seule­ment offre des por­traits ter­ribles (elle évite de citer les noms des usur­pa­teurs mais Cahu­zac ou Fabius avancent à peine mas­qués) mais elle illustre que dans le sou­ve­nir se cache de secret de la rédemption.

jean-paul gavard-perret

Auré­lie Fili­petti,  Les idéaux, Fayard, Paris, 2018, 448 p. — 21,50 €.

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