Samuel Buckman : la colère ou la possibilité d’être un jour un oiseau — entretien avec l’artiste (Murs)

Comme un autre Samuel (Beckett), Buck­man pra­tique de longues marches suf­fi­sam­ment longues pour que, de la fatigue, émerge « un champs de pro­po­si­tions », voire un lieu d’entente où l’art ne fait plus masse mais tache. L’affect joue sans doute un rôle, mais l’auteur et artiste fait de la trace ou de l’humour le moyen de résis­ter au pathos.
Refu­sant le scep­ti­cisme dis­tin­gué et mar­mo­réen, Buck­man accorde aux choses le sérieux qui leur convient. Et il dif­fuse le témoi­gnage d’un état affec­tif par­ti­cu­lier qu’il conjugue à toutes les sub­ti­li­tés d’un sys­tème de réfé­rences simples mais puis­santes.
Existe une approche du monde indé­pen­dam­ment du prin­cipe de la seule « rai­son ». La réa­lité prend un aspect par­ti­cu­lier entre la clô­ture ou et l’épuisement mais aussi un dyna­misme. Celui-ci empêche de s’enfermer où que ce soit. Une telle sai­sie laisse vacantes les ques­tions sur la pos­si­bi­lité d’être ou non au monde. Mais le « si je suis » de Beckett trouve là une hypo­thèse plausible.

« MURS » — Expo­si­tion col­lec­tive — 05 mai au 18 sep­tembre 2018 — Musée des Beaux-Arts — Caen.

Entre­tien :

Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
L’inconnu est une rai­son plei­ne­ment suffisante.

Que sont deve­nus vos rêves d’enfant ?
Enfant, j’aimais copier les tableaux de Vincent Van Gogh. Je me répé­tais sou­vent que je devien­drais peintre. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas. Il est encore temps.

A quoi avez-vous renoncé ?
Je pense à la sécu­rité ou encore à la liberté. Mais je crois que c’est à la conso­la­tion que j’ai le plus pro­fon­dé­ment renoncé.

D’où venez-vous ?
Des marais de l’audomarois à Saint-Omer dans le Pas-de-Calais où poussent arti­chauts et choux-fleurs. Le sen­ti­ment d’être rat­ta­ché à l’eau. De ma mère en 1972. Et sur­tout de ma renais­sance en 1992 lorsque je suis ren­tré à l’école des Beaux-Arts.

Qu’avez-vous reçu en dot ?
Avec cer­ti­tude, la rage.

Un petit plai­sir — quo­ti­dien ou non ?
Être le pre­mier réveillé à la mai­son, pro­fi­ter de ce moment calme pour lire et boire le pre­mier café de la journée.

Qu’est-ce qui vous dis­tingue des autres artistes ?
Peut-être mon nom. Sinon de n’être ni dans le noir ni dans le blanc et encore moins dans le gris. Je suis rouge. Rouge de colère.

Com­ment définiriez-vous votre lien mots-images ?
J’aime les mots dans l’image. Mais je pré­fère le des­sin à l’image. Les mots et le des­sin sont fon­da­men­ta­le­ment mêlés.

Quelle est la pre­mière image qui vous inter­pella ?
Je pense aux natures mortes de Jean Bap­tiste Siméon Char­din et aux pein­tures de Giorgo Morandi.

Et votre pre­mière lec­ture ?
Du plus loin que je me sou­vienne, “Tis­tou les pouces verts” de Mau­rice Druon.

Quelles musiques écoutez-vous ?
Sur­tout de la musique clas­sique, en par­ti­cu­lier du piano, le free jazz. Mais j’aime beau­coup la radio pour la voix. J’aime infi­ni­ment “On the mas­sacre of glen­coe” de Bee­tho­ven inter­prété par Jérôme Hantaï.

Quel est le livre que vous aimez relire ?
“Les anneaux de Saturne” de Win­fried Georg Maxi­mi­lian Sebald, “Le dépeu­pleur” de Samuel Beckett ; “Le grand paon de nuit” de Mar­cel Cohen, “Ellis Island” de Georges Perec.

Quel film vous fait pleu­rer ?
“Le voleur de bicy­clette” de Vit­to­rio De Sica.

Quand vous vous regar­dez dans un miroir qui voyez-vous ?
Je vois un autre sur­tout lorsque je me pho­to­gra­phie devant un miroir avec un masque sur la tête.

A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
Mar­cel Cohen.

Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Les zones por­tuaires. La Grèce où je n’y ai jamais mis les pieds mais que j’ai vue à tra­vers les films de Jean-Daniel Pol­let ou lue dans les livres de Pas­cal Qui­gnard. L’Italie parce qu’elle est qua­si­ment entou­rée d’eau, pour sa cuisine.

Quels sont les artistes et écri­vains dont vous vous sen­tez le plus proche ?
Artistes : Kurt Schwit­ters, Robert Filliou, Pina Bausch, Honoré d’O. Écri­vains : Phi­lippe Denis, Mar­cel Cohen, Phi­lippe Jac­cot­tet, Jean-Christophe Bailly

Qu’aimeriez-vous rece­voir pour votre anni­ver­saire ?
La pos­si­bi­lité d’être un jour un oiseau.

Que défendez-vous ?
La tolérance.

Que vous ins­pire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est don­ner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas.” ?
Qu’est-ce qu’il raconte ?

Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la ques­tion.” ?
Je m’en doutais.

Quelle ques­tion ai-je oublié de vous poser ?

Quelle est votre cita­tion pré­fé­rée ? Celle de mon fils Gas­pard : “C’est pas beau parce que c’est un vrai travail.”

Pré­sen­ta­tion et entre­tien réa­li­sés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 5 mai 2018.

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