Plongez-vous dans l’histoire criminelle de notre pays
Les Editons Jacob-Duvernet mettent à l’honneur deux institutions de la République Française qui bientôt quitteront leur mythique adresse parisienne — le 36 quai des Orfèvres et l’Île de la Cité — pour emménager dans une tour moderne de l’ouest de la capitale. Deux livres de forme différente mais qui intéresseront les passionnés d’histoire et d’affaires criminelles.
Dans son Boulevard du crime, Thierry Levêque, journaliste accrédité au Palais de Justice de Paris, nous propose une visite un peu spéciale de ce lieu chargé d’histoire. Longtemps demeure des souverains, la statue de Saint-Louis rendant la justice sous un chêne trône dans la cour pour le rappeler, le Palais de Justice de Paris est l’un des plus anciens du monde. Avec ses 4000 employés et plus de 40 000 décisions pénales rendues, le lieu a vu défiler tout ce que la capitale compte d’histoires sordides. Le chroniqueur n’oublie pas d’évoquer, longuement, le tribunal des gueux, au 35 bis, où l’on ne juge que les étrangers en situation irrégulière.
Des vies qui se jouent dans l’anonymat d’une salle quasi vide, loin du tapage médiatique des grandes affaires — Carlos, Guy Georges, Fourniret, Clearstream, Elf… En trois chapitres (La Mort, La Vie, La Métamorphose), il balaie un siècle de justice, de cas, de destins extraordinaires, et la boucle est bouclée.
Le livre s’ouvre sur cette phrase lapidaire : “Ce jour sera un deuil” — ce jour, prévu en 2017, sera celui du déménagement pour le futur bâtiment du quartier des Batignolles — et se referme sur les changements inhérents aux nouveaux locaux. Par exemple, le “dépôt”, jusque-là géré par des religieuses et qui abrite les femmes de détenus, auxquelles les nonnes fournissent une forme de soutien moral un temps décrié mais finalement maintenu. Que les ardents défenseurs de la laïcité se rassurent, les sœurs n’auront certainement plus leur place, quand la Justice va entrer dans l’ère moderne.
Claude Cancès, ancien patron de la Police Judiciaire, commet avec l’Histoire du 36 illustrée son deuxième ouvrage sur un sujet qui le fascine.
Ayant intégré la police parisienne à son retour de la guerre d’Algérie, il n’en est ressorti qu’en 1995, après 35 années de bons et loyaux services, remercié par le ministre de l’Intérieur de Jacques Chirac, Jean-Louis Debré. Jugé un peu trop indépendant par le pouvoir en place, il reste néanmoins une figure emblématique du 36, de la Mondaine à la PJ, en passant par l’Antigang et la Crim. Au moment où, comme la Palais de Justice voisin, la PJ est sur le point de déménager, il rend un vibrant hommage aux lieux, mais aussi aux hommes, sans oublier les agents de la police urbaine, les simples flics en uniforme.
La première partie de ce livre foisonnant retrace l’histoire du lieu immortalisé par le commissaire Maigret, à travers des photographies, des lettres et divers documents, inédits pour certains — les services de l’Identité Judiciaire ayant ouvert leurs portes et fourni des archives à l’auteur. Des curiosités qui exercent une sorte de fascination morbide sur le lecteur. Les affaires qui ont marqué l’histoire ressurgissent, bien réelles, avec les visages de criminels de légende — Landru, Petiot — et les plongées au cœur d’enquêtes captivantes — la bande à Bonnot, Stavisky, la Cagoule, Ben Barka, Markovic -, des premières brigades à la naissance de la police scientifique.
Dans une deuxième partie, Cancès évoque sa carrière, apportant une foule de détails passionnant sur les coulisses de son métier. Comme dans un polar, il raconte les criminels qu’il a arrêtés — Guy Georges, Thierry Paulin — les assassinats résolus — le Baron Empain, de Broglie — et les attentats traités — ceux du RER en 1995, les Irlandais de Vincennes… Un ouvrage magnifiquement illustré et parfaitement documenté, une perle que l’on aura plaisir à feuilleter ou a offrir.
Deux excellents livres — avec un coup de cœur pour l’Histoire du 36 illustrée de Claude Cancès — qui permettent de parcourir un siècle d’histoires et d’Histoire.
a. de lastyns
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Thierry Levêque, Boulevard du crime : Vie quotidienne et secrète du Palais de justice de Paris, Jacob-Duvernet, septembre 2011, 284 p.- 20,00 € |
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