Perrine Le Querrec, De la Guerre & L’initiale

Perrine de Le Quer­rec : exer­cices de résistance

Perrine Le Quer­rec orga­nise bien des éga­re­ments afin que les com­pré­hen­sions nor­mées en fassent les frais. Les textes en frag­ments publiés à la « Mai­son Dagoit » le prouvent. Il existe tout un art poé­tique qui s’adresse à celles (et ceux) qu’on ne voit pas ou dont on se détourne. Bref, aux fra­gi­li­tés enfer­mées dans la soli­tude. La poé­tesse exprime des luttes dif­fi­ciles et des souf­frances. Demeure l’avancée du corps en tant que « lieu » étran­ger. Non qu’il soit inconnu mais il reste trop obéré.
Per­rine Le Quer­rec sait rete­nir son élan pour mieux le « pla­cer ». Sur­git un déchi­re­ment de la nudité par la fixité la pré­ci­sion d’une écri­ture qui dévisse afin qu’un gémis­se­ment en émerge, à peine audible, sans pathos et comme le feu­le­ment dans la nuit mais qui au besoin se trans­forme en cri sourd. Chaque livret devient un show-room par­ti­cu­lier de vio­lence ou un moment de reprise en dépit des murs dres­sés au sein de divers quo­ti­diens. Les textes dans leur sim­pli­cité pos­sèdent une force trou­blante au sein d’un effet de rup­ture par­fois quasi allégorique.

Des scènes « éro­tiques » font le centre d’un mys­tère qui n’est plus celui du « phal­los » guer­rier. L’auteur pro­voque son effrac­tion, en efface la forme pour don­ner place à un autre « visage ». C’est une manière de cas­ser l’ombre et le silence où la femme est confi­née mais en évi­tant le piège de l’élégie. Et ce, par­fois de manière ciné­ma­to­gra­phique. Avec, par exemple, les cinq plans de De la guerre (pano­ra­mique, tra­vel­ling, pano­rama, plan large et gros plan), par­cou­rus de for­mules lan­ci­nantes où le « fil­mique » de Barthes prend un nou­veau sens afin de mettre en exergue des vic­times ou encore de faire jaillir une inti­mité cachée dans le cri de L’initiale.
L’auteure donne voix à « l’infans » celui (celle) qui n’a pas encore eu la per­mis­sion de par­ler. Et elle ne s’en prive pas. « J’écris trop » dit-elle : mais elle a tort. Chez elle le corps fémi­nin se met à dire sans « pathos » mais selon un éros par­ti­cu­lier. Loin des his­toires de Belle au bois dor­mant. Elle quitte les san­dales de Cen­drillon qui n’arpente qu’un faux « domus ». La femme n’est plus pas­sive, cata­lep­tique, sub­ju­guée. Elle quitte le sta­tut de vic­time obli­gée de replon­ger dans des com­por­te­ments enfantins.

Chaque texte devient un dévoi­le­ment loin de toute coquet­te­rie mais avec une dyna­mique par­ti­cu­lière : le refus aux sou­mis­sions. Existe donc une voix dif­fé­rente. Orphée ne se retourne pas for­cé­ment pour tuer Eury­dice. Elle a mieux à faire en son écri­ture laté­rale mais tout aussi frac­tale. A la culpa­bi­lité et au sacri­fice col­lés par la tra­di­tion à Eve, la poé­tesse pré­fère une voix qui n’a de devoir qu’envers l’auteure elle-même, ses sœurs et divers types de déshé­ri­tés.
Per­raine Le Quer­rec appelle à un com­bat qui refuse les effrois ritua­li­sés avec emphase.

jean-paul gavard-perret

Per­rine Le Quer­rec,  De la Guerre, L’initiale , Mai­son Dagoit, Rouen, 2018.

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