Christine Montalbetti, Trouville Casino

Le “gang­ster” de la côte normande

Para­doxa­le­ment, et comme le fit par­fois Duras, à par­tir d’un fait divers, Chris­tine Mon­tal­betti emporte en un roman-rêverie par la grâce de son écri­ture musi­cale qui alterne les temps vifs et moriendo, le récit et une forme de digres­sion et de com­men­taire. A l’origine de l’histoire, un bra­quage au Casino de Trou­ville. Mais le casse est par­ti­cu­lier : le « gang­ster » (si on peut l’appeler ainsi) est âgé de 75 ans — un temps où ses congé­nères de monte-en-l’air sont à la retraite. Il opère seul et après une course pour­suite finira abattu.
La fic­tion retrace ce périple en remon­tant à l’aide de dif­fé­rences sources cette jour­née par­ti­cu­lière et le long temps qu’il l’a pré­cé­dée sur lequel la roman­cière pro­pose des hypo­thèses. L’action minu­tée et la course pour­suite tendent le récit. Néan­moins, il est volon­tai­re­ment coupé en alter­nances par des périodes où est scé­na­risé le contexte tem­po­rel et géo­gra­phique de la Nor­man­die du « malfrat ».

Mais, entre l’époque du casse et celle de l’écriture, des dérives ont eu lieu et Chris­tine Mon­tal­betti les constate. D’autant qu’elle aime l’Orne et plus par­ti­cu­liè­re­ment le Casino de Trou­ville où il lui arrive de venir écrire.
Y retour­nant plu­sieurs fois pen­dant la longue période de matu­ra­tion et d’écriture du roman, le lieu a changé jusqu’à effa­cer ce qu’il était lors du dérou­le­ment des faits. C’est pour­quoi le livre devient une dérive spatio-temporelle non dénuée de nostalgie.

Certes, le Trou­ville de l’auteure n’est pas celui quasi « intem­po­rel » de Duras. Et les rêve­ries des deux créa­trices demeurent d’un registre dif­fé­rent. Duras trouve dans le lieu une consis­tance dif­fé­rente et plus intime. Chris­tine Mon­tal­betti reste plus exté­rieure au lieu et à l’histoire qu’elle raconte. Elle n’est pas — comme chez l’auteur de La pute de la Côte Nor­mande - consub­stan­tielle à la sienne.
De plus, elle semble ne jamais oublier le lec­teur — trop peut-être. Duras à l’inverse ne s’en pré­oc­cupe guère, toute atta­chée à sa quête inté­rieure. Si bien que – et en dépit de l’anecdote pre­mière — Trou­ville Casino est plus léger et altier que les fic­tions et les pièces duras­siennes. Mais ne manque néan­moins jamais de charme et de sus­pens même si sa musique reste sur un mode mineur.

jean-paul gavard-perret

Chris­tine Mon­tal­betti, Trou­ville Casino, P.O.L Edi­teur, Paris, 2018, 256 p. — 17,00 €.

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