Depuis le début du nouveau millénaire, Betty Tompkins est sortie du purgatoire après de longues années d’ostracisme. Il est vrai que sous le titre de Fuck Paintings, son interprétation des images pornographiques a radicalisé le propos de ses Cunt Paintings et Kiss Paintings dans lesquels déjà le sexe était dévoilé et omniprésent. Son exhibitionniste très particulier et expressionniste est enfin compris. Il n’en demeure pas moins que certains voient toujours en l’œuvre un corpus diabolique, malveillant, ordurier.
Betty Tompkins n’en a cure : au besoin elle en rajoute un peu. L’évidente radicalité tient pourtant à une paradoxale « abstraction » dans la mesure où l’artiste « serre » la mécanique des scènes au plus près. L’effet de très gros plan provoque une mise en abyme. Amants et/ou partenaires sont réunis uniquement « par où ça (se) passe ». Si bien que les réputés « pornographes » que furent ou sont les Bellmer, Fautrier, Maccheroni et Serrano semblent relégués au rang d’aimables plaisantins supplantés par la photographe new-yorkaise.
Pour autant, l’œuvre n’a en aucun cas pour but de faire lever du fantasme. Il doit s’envisager et se « dévisager » (si l’on peut dire…) sur un processus de réflexion et de pulsion. L’œuvre porte en elle son fatum entre la lumière et l’ombre, l’intelligence et l’instinct. Surgit paradoxalement ce qui dépasse le pur corporel comme le langage en tant qu’outil de communication. Les agrégats et la stratégie esthétiques renvoient à une crudité de constat.
S’y découvre aussi la métaphore agissante et obsédante de la vie qui, par le noir et blanc, s’ouvre à un langage quasi marmoréen là où normalement la souplesse s’impose… Du coup, tel est pris qui croyait prendre.
jean-paul gavard-perret
Betty Tompkins, Galerie Rodophe Janssen, Bruxelles, du 18 janvier au 17 mars 2018.