Claude Louis-Combet & Elizabeth Prouvost, Né du limon

Voix fémi­nines

Les pho­to­gra­phies d’Elizabeth Prou­vost créent une valse. Celle d’avant le verbe, où le pre­mier spec­tacle s’offre dans « le res­ser­re­ment et l’exiguïté » des trois strates de l’existence que pré­cise Louis-Combet : l’état confu­sion­nel, l’état andro­gy­nique et l’état anthro­po­lo­gique au sein des « aspi­ra­tions contra­dic­toires de la lumière et des ténèbres ». La pho­to­graphe les montre dans leur dia­lec­tique créa­trice au moment où tout se scinde avant de se réunir : « C’est la nais­sance du sexe. C’est le com­men­ce­ment de l’histoire » écrit le poète.
D’où ce croi­se­ment au sein de l’écriture du mas­cu­lin et du fémi­nin et du dia­logue du texte et de l’image, de la pho­to­graphe et du poète. L’homme à l’origine rêve de res­ter dans le ventre pre­mier. Mais « Le désir de lumière l’emporte sur l’attachement à la ténèbre ori­gi­nelle. Ainsi l’Être se dégage de son fon­de­ment, il s’extirpe de la gangue qui le retient. » Néan­moins, son seul souci est de retrou­ver et de retour­ner dans la mère pre­mière à tra­vers toutes les femmes.

La confu­sion res­tera de mise et Eli­za­beth Prou­vost l’organise là où Louis-Combet tente les sépa­ra­tions. Ebloui par la lumière, l’homme rêve de retrou­ver l’abîme de l’obscur. La terre ignore qu’elle est femme et mère. L’homme le sent confu­sé­ment et rêve d’épouser inces­tueu­se­ment « sa dimen­sion abys­sale, son épais­seur orga­nique, sa puis­sance vitale. Elle res­sent sa dou­ceur, sa ten­dresse, sa cha­leur infuse, son humi­dité ».
Tout le livre orga­nise cette fête tel­lu­rique, aqua­tique et char­nelle. Bouche de souffle et de feu. Le sexe fémi­nin reste donc le « Trou de la matière à vif. Son exu­toire. Son érup­toir. » C’est là que naissent les mots du  cri où, dit Louis-Combet, « com­mence le com­men­ce­ment ». L’être retenu puis expulsé n’a qu’un but : le retrou­ver dans le but peut-être de ne pas par­ler. C’est pour­quoi ici les images font ce que les mots ne font pas.

jean-paul gavard-perret

Claude Louis-Combet & Eli­za­beth Prou­vost,  Né du limon, Fata Mor­gana, Font­froide le Haut, 2018.

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