Le temps n’est rien, l’instant est tout. Jean-Pierre Maurin sait en prendre grand soin pour que jaillisse la pulpe érotique des modèles. Elles ont toujours vingt ans. Le photographe réinvente des heures nues, rameute la chaleur de soirées chaudes qui ne sont que suggérées. Les corps sont offerts dans d’impeccables tenues. L’homme qui embrasse une d’entre elles voudrait être leur inséparable mais l’hypothèse demeure improbable.
Si les femmes semblent fondre, elles restent dans la clarté où l’artiste les saisit. L’instant redevient lieu avant de retourner à l’invisible. S’impose le pouvoir d’étrangeté d’un regard presque tactile.
Des idoles, le regardeur ne se saisit que les effluves car Jean-Pierre Maurin donne une figure impérissable à chaque moment de cérémonies plus ou moins secrètes. Il fait le jour en notre nuit et nous éloigne du romantisme de la ruine. Cela évite d’entrer en la nostalgie d’un compte à rebours. Chaque photographie (de mode, de backstage ou personnelle) reste l’îlot d’un continent : nous en sommes de plus en plus séparé.
Ce continent n’est pas à la dérive, ses témoins oui. Ils somnolent sur le lit des crépuscules qu’ils veulent prendre pour des aubes berceuses. Jean-Pierre Maurin fait tout pour cela.
Par effet de surface se devinent des profondeurs cachées. Le tout en une célébration tacite, un acte étrangement pieux. Cela provoque une traversée incertaine dont l’avenir comme l’origine demeurent encore une interrogation tant les prises échappent dans leur clarté vive et leur fraîcheur au temps. Ce passage hors de lui crée tout le charme de l’œuvre ; nul ne peut dire si les femmes et leurs vêtements sont d’hier ou d’aujourd’hui.
jean-paul gavard-perret
Jean-Pierre Maurin, Coffret, Littérature Mineure, Rouen, 2017 — 25,00 €.