Comment scénariser un petit F1
Entre deux romans, Fanny Chiarello s’offre parfois un petit théâtre intime de soi fomenté au sein d’un pacte ludique avec ses lecteurs. Pour autant, elle laisse libre cours à son imaginaire plutôt que de tenir un « compte » précis des évènements. L’auteure n’est pas bridée par des impératifs de mise en scène : nul besoin d’une quelconque ” unité ” et celle qui est ici chef de choeur ne se place même pas en avant scène.
Chaque phrase amorce le mouvement d’une balle dans l’air, mouvement que le lecteur doit ” compléter “. Tout semble écrit avec un stylo bic ordinaire sur un cahier sauvé de la poubelle. La romancière s’amuse avec intelligence en parlant de son appartement. Par l’ironie, le cours des choses demeure moins important que la langue et son « irrégularité » programmée.
Le tout est de scénariser le petit F1 de 36 mètres carrés qu’elle a occupé pendant deux ans en sorte de Zeppelin. Non seulement parce qu’elle y flotte sur la ville et que tout y est concentré mais parce qu’elle y écrit parallèlement un roman intitulé “Le Zeppelin”. Son titre comme celui de ce journal a été noté sur le bail de cet appartement. En un tel document le nom d’auteur est écrit en bas. Ici, il est remis à sa place jusqu’à ce que l’auteur décolle de son Zeppelin avec âme et bagages.
Bien que ne pouvant être cataloguée dans le rang des écrivains du langage, la Belge se plaît à jongler avec les mots là où, si la perfection fut dans le déménagement, elle l’est aussi dans ses traces. Fanny Chiarello en fait émerger la satire.
jean-paul gavard-perret
Fanny Chiarello, Je respire discrètement par le nez, Carnets du Dessert de Lune, 2017.