Pour faire comprendre à la fois son ambition et son processus de création, Thierry Romestant choisit l’exemple d’un lit asséché d’une rivière et les dessins que la force de l’eau et la résistance des matériaux ont produit. L’artiste prend en quelque sorte le rôle de l’eau par la puissance de son geste et le lit du cours d’eau par la densité de ses supports. Tout un travail de frottement, d’incision et de dépôts crée des modifications bien éloignées de modèles existants. L’artiste « réinsère » de la sorte l’acte humain face au monde.
En lieu et place des inondations iconographiques où la présence de l’artiste est parfois anecdotique, Thierry Romestant refuse que la pratique soit réduite à une portion congrue. Le tout dans un langage que l’artiste invente le long de ses filages, infiltrations ou meulages et d’une certaine manière il abandonne le paysage pour ceux qui l’habitent. Il ose donc arpenter des chemins ou des lits de fortune afin que chaque œuvre ne se réduise pas à une litière.
Ce qui pourrait être compris comme une divagation devient l’occasion élue pour un resserrement. Les gestes de bateleurs décoratifs d’hier sont remplacés par un « décrochement » visuel volontaire et programmé. De tels « accrocs » créent des chiasmes mais aussi une synthèse inédite.
Surgit la question même du franchissement et de la frontière comme celui du « plateau » cher à Deleuze que représente le support. Cette procédure demande en contrepartie au regardeur une attention particulière car rien n’est donné a priori.
jean-paul gavard-perret
Thierry Romestant, Recherches plastiques 2015 –2017, Galerie Mottet, Post War et contemporain, Chambéry, du 15 avril au 20 mai 2017.