Oscar Wilde, Ainsi parlait Oscar Wilde. Dits et maximes de vie

Le nec plus ultra de la littérature

Wilde donne à l’aphorisme une force excep­tion­nelle. Il invente à tra­vers lui une édu­ca­tion exis­ten­tielle. Il ne fait pas seule­ment dan­ser la langue. Celle-ci per­met de faire sau­ter les ver­rous de la société. On peut bien sûr s’amuser à pen­ser qu’il s’agit de mots d’esprit. De fait, ils concentrent toutes les formes de colère, de haine et de révolte. On oublie par exemple qu’Oscar Wilde était Irlan­dais. Et bien plus que Beckett ou Joyce un auto­no­miste acharné : « Je ne suis pas anglais. Je suis Irlan­dais, ce qui est tout autre chose. »
D’où son res­sen­ti­ment envers la société anglaise. Il per­met de com­prendre ses pro­vo­ca­tions et ses for­mules chocs : « l’exil a été pour les Irlan­dais ce que la cap­ti­vité a été pour les Juifs. » . Il a trouvé dans son com­bat avec les auteurs grecs des alliés objec­tifs au moment où son catho­li­cisme effraya ses condis­ciples d’Oxford. « Nous sommes une nation de brillants ratés, mais les plus grands cau­seurs depuis les Grecs. » écrit celui qui connaît par cœur des pages entières de Homère ou d’Eschyle. Elles donnent du muscle à sa croi­sade cel­tique contre les Anglo-Saxons.

Le dandy cultive autant une tra­di­tion clas­sique qu’une cri­tique impi­toyable sur son temps. Consi­dé­rant l’art comme la « réa­lité suprême » et la vie comme une « simple moda­lité de la fic­tion », Wilde plus qu’un autre aura été vic­time de ce qui ne s’appelait pas encore la “peo­pli­sa­tion”. Le scan­dale des amours homo­sexuelles (pour­tant com­munes en son milieu) a fait oublier un scan­dale plus impor­tant et vital. Celui d’une œuvre dont la bêtise est l’ennemi.
Les apho­rismes sont comme le nec­tar et une pro­pé­deu­tique à qui ne la connaît pas de l’œuvre de celui qui osait pen­ser (mal) et écrire (bien) contre tout ce qui puait l’ignorance et la vul­ga­rité. Non seule­ment l’auteur était snob sur, mais en lui : “J’ai les goûts les plus simples qui soient : je me contente de ce qu’il y a de mieux”.

Ce nec plus ultra, Wilde la exercé dans sa lit­té­ra­ture qui refuse la mora­lité. Cette der­nière n’est que l’ « atti­tude que nous adop­tons envers ceux qui nous sont anti­pa­thiques ». Quant au manque de talent , voici ce qu’il en dit au sujet d’un écri­vain célèbre de son temps : « n’ayant pas de génie il n’avait pas d’ennemis ». Loin d’une pan­to­mime confuse des énon­cia­tions de tous ceux qui se contentent de bégayer, Wilde modé­lisa une sorte de cas­sure et laisse appa­raître un sujet sou­ve­rai­ne­ment expres­sif.
Fruit d’une éla­bo­ra­tion vis­cé­rale, cette langue souffle encore le soufre face aux paroles consen­ties. Elle per­met de ne pas prendre le bas pour le haut, l’obscurité pour la lumière. L’oeuvre finit le tra­vail de la vie, elle est le cri de l’esprit qui retourne vers lui-même. Elle lutte pour broyer déses­pé­ré­ment ses entraves en par­ve­nant au dépas­se­ment bru­tal de ses limites habituelles.

jean-paul gavard-perret

Oscar Wilde,  Ainsi par­lait Oscar Wilde, Dits et maximes de vie,  Arfuyen, collec­tion « Ainsi par­lait »,  2017, 168 p. — 13,00 €.

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