Le portrait déplace le visage par la peinture. Elle trouve en lui une bouture et un émigrant. Et lorsque nous regardons un portrait de Peggy Viallat, il nous regarde en retour. Ou plutôt sa peinture nous regarde. Ne regarde que nous. Voir un visage est le seul moment où pourtant nous ne croyons pas voir un tableau. D’une certaine manière, on ne peut pas regarder un portrait, car le regard tombe dans un regard, il se retrouve en lui-même. Et bien mieux qu’avec un être vivant dont le propre regard reste toujours éphémère. Voir et être vu sont deux images incompatibles mais c’est ce qui fait la fascinante attirance que chaque être puise dans le portrait de Peggy Viallat. L’artiste ouvre un abîme qui jamais ne se ferme. A ce titre, il est le meilleur moyen de se (re)connaître.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Mes enfants .
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Des fous rires qui ne s’étrangleront jamais .
A quoi avez-vous renoncé ?
(…) à l’impossible .
D’où venez-vous ?
De St Étienne !
Qu’avez-vous reçu en dot ?
De mes amis une conscience de lutte, de maman une conscience de clan, de papa un imaginaire doré.
Qu’avez vous dû “plaquer” pour votre travail ?
( le temps à prendre soin des autres ).
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
( alcool et livres ).
Qu’est-ce qui vous distingue des autres artistes ?
J’ essaye de faire, de suivre ma ligne et je crois que je ne suis pas seule .… ah, si ! je peins souvent avec un couteau de boucher ))
Comment définiriez-vous votre approche du corps ?
Tellurique .
Quelle fut l’image première qui esthétiquement vous interpella ?
La Bataille de San Romano de Paolo Ucello ( Noir Blanc Rouge, plans et cadence .…incroyable , c est une musique)
Et votre première lecture ?
“Le grand Nord” , London et Curwood
Quelles musiques écoutez-vous ?
Violente et un peu sale pour les grandes toiles ( j’ ai besoin de tension), à l inverse pour les petits formats quelque chose de grave : Nick Cave ou Tom Waits
https://www.youtube.com/watch?v=kIJ88VWlo3c
Quel est le livre que vous aimez relire ?
« Les Cavaliers » de Kessel ( je crois que j en ai 3 exemplaires ) et tout Shakespeare.
Quel film vous fait pleurer ?
(Vous voulez dire le dernier en date ?) je pleure beaucoup … “Manchester by the sea” ( une forteresse de tristesse )
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
Moi moi moi ( ne pas enlever la peau et ne pas voir ce qu il y a derrière )
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
Paul Rebeyrolle.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Samarkand.
Quels sont les écrivains et artistes dont vous vous sentez le plus proche ?
Cendrars pour sa nonchalance François Bon, Barcello et Ousmane Sow qui sont des ogres et des passeurs et puis les têtus, les obstinés les rêveurs , l’art brut en général me foudroie
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Un Douk-Douk ( je l ai eu ))
Que défendez-vous ?
Le regard.
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
Mitigée, j’ai beaucoup aimé Lacan mais je suis d’un indécrottable romantisme à la Musset
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?
Ah, ça c est pour moi , je ne sais pas dire non.
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
Ehéhéh, quelle est ma couleur préférée ? ))))
Présentation et entretien réalisés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 26 décembre 2016.