Frances Fyfield, Une profonde affection

A la recherche du temps perdu… une enquête sur un infan­ti­cide frei­née par le sou­ve­nir de l’amour


H
enry Evans est hanté par le sou­ve­nir de Fran­cesca Chi­sholm, une jeune Anglaise ren­con­trée vingt ans plus tôt lors d’un voyage en Inde. Après avoir accepté un poste d’ingénieur près de la ville natale de Fran­cesca, il se lance sur les traces de celle-ci, bien décidé à récu­pé­rer celle qu’il a laissé par­tir par égoisme. Arrivé par une nuit de tem­pête, il trouve refuge à la Mai­son des Sor­ti­lèges, une rési­dence tenue par un couple d’homosexuels amis de Fran­cesca.
Sa sur­prise est grande en appre­nant que Fran­cesca est en pri­son pour un des crimes les plus graves qui soit : un infan­ti­cide. Fran­cesca a été en effet accu­sée du meurtre d’Harry, son fils hémi­plé­gique de cinq ans - meurtre qu’elle a reven­di­qué. Elle est depuis plu­sieurs années en pri­son. Henry n’arrive pas à croire que le sou­ve­nir de l’amour de sa vie puisse être à ce point enta­ché par des faits qui ne lui res­semblent pas. Mais peut-il se fier à cette image du passé, idéa­li­sée par le temps ? Mal­gré l’hostilité ambiante, Henry est décidé à com­prendre ce qui a pu pous­ser Fran­cesca à agir de la sorte et à decou­vrir les tenants et abou­tis­sants du drame, avec l’aide de Mag­gie, la cou­sine de Fran.

Une pro­fonde affec­tion est un livre inté­res­sant à plus d’un titre. Tout d’abord la qua­lité d’écriture de Frances Fyfield touche rapi­de­ment le lec­teur. Ciblant avec effi­ca­cité les émo­tions des dif­fé­rents acteurs du drame, ce sont des per­son­nages pro­fon­dé­ment humains que l’auteur met en scène avec leurs doutes, leurs fai­blesses, leur dou­ceur et leur cruauté par­fois. Le détec­tive ama­teur qu’est Henry amuse au début, et irrite sou­vent par ses mal­adresses et sa len­teur à com­prendre. Il devient vite tou­chant par son achar­ne­ment à vou­loir gar­der son image de Fran­cesca, et la pug­na­cité qu’il déploie pour com­prendre les faits est des plus admirables.

Un des seconds atouts de ce roman est jus­te­ment la confron­ta­tion de ce passé idéa­lisé avec une dure réa­lité. Nom­breux sont ceux qui vivent dans le sou­ve­nir d’un amour dis­paru, mais rares sont les “élus” qui le retrouvent intact des années plus tard. C’est à cela qu’est confronté Henry : la fuite du temps, le bon­heur ébré­ché comme un vieux vase sans fond, la mémoire sélec­tive de l’homme blessé… Il faut éga­le­ment sou­li­gner l’arrivée de rebon­dis­se­ments au moment où l’on ne s’y attend plus, don­nant ainsi une réelle dimen­sion poli­cière à ce roman psy­cho­lo­gique. Les der­nières pages en sur­pren­dront plus d’un, car la Vérité qui s’est pro­gres­si­ve­ment for­gée dans l’esprit du lec­teur écla­tera en plu­sieurs véri­tés tout à la fin. Rien n’est aussi simple que les appa­rences le laissent sup­po­ser ! Seul regret cepen­dant : quelques lon­gueurs par­fois. Les états d’âme sont trop déve­lop­pés et l’intrigue met beau­coup de temps à avan­cer. L’histoire est néan­moins régu­liè­re­ment relan­cée par les lettres intimes que Fran­cesca écrit en pri­son, sans jamais les envoyer.
Alors par­tez sur les traces d’Henry à la recherche du temps perdu !

f. bous­sard

   
 

Frances Fyfield, Une pro­fonde affec­tion (tra­duit par Domi­nique Watt­willer), Pocket poli­cier, 2004, 400 p. — 6 €.

Pre­mière édi­tion : Presses de la Cité, 2002, 18,90 €.

 
     
 

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