Une humanité qui reste toujours à inventer
Le texte — aux marges du poème et du roman — fait glisser entre deux mondes et deux temps : celui de la chute de Carthage en 146 et le pas forcément bel aujourd’hui grec. L’auteur y joue de la « chose » mémorable et du visible au moment où il séjourne en Grèce en février 2016 et où il reprend en charge autant le passé que le présent.
La treille fictive que propose le « chant » à travers divers personnages (la voyageur, le vieux musicien, le Consul Mummius, des femmes, un esclave, l’historien Polybe et Diaïos, etc.) crée un texte paradoxal et désespéré mais qui, à la fin, « gonflant par excès d’amour », fait partager les émotions éprouvées par l’auteur dans le jeu de la géographie, de l’histoire et la méditation plurielle qu’il provoque.
Le rapport entre fiction et poème — à travers autant le voyage au long cours que le court-circuit des époques — crée une voie liée à l’idée que le poème relève plus d’un régime de la parole qu’à une forme ou un genre. Le poème devient hyperfiction et la fiction hyperbole entre singularité et responsabilité, là où jaillit une magie face à un pays qui, dans son épaisseur, abrite l’histoire d’un passé-racine mais manifeste aussi une humanité qui reste toujours à inventer.
En particulier dans une époque où le « je suis » refuse d’être « un autre » et se replie sur une identité qui n’est pas toujours à hauteur d’homme tant ce dernier est en absence d’un « nous » d’altérité.
jean-paul gavard-perret
Jean Esponde, Les derniers Grecs, Atelier de l’Agneau, 2016, 112 p. — 16,00 €.