Victorine Follana sait manier la trique pour faire avancer la bourrique que l’on nomme voyeur. De ses peintures sortent les démons de l’être et l’ange de la femme. Elle donne à voir l’innocence de l’âme. Pour moitié voluptueuses, ses princesses cachent leur joli boudoir, leur lys et sa vallée où l’imaginaire papillonne. Les filles ne sont plus là pour écouter les grâces des sornettes masculines.
Leur corps n’est plus seulement pulpeux. Il n’est pas forcément l’endroit le plus paisible de la terre sans être pour autant chargé de tous les péchés d’Israël. Finis les orgasmes et les lamentos de tourterelle. Chaque fillette vit d’autres vies et une résurrection la travaille. Sortent de son corps des trésors imprévus dont ne sait quelle réserve au moment où les crépuscules s’offrent à la pâmoison de la nuit.
C’est la manière d’ouvrir métaphoriquement les corps pour que ce qui les hante s’anime. La chaleur monte — et de bien plus que deux degrés au-dessus de la température ambiante. Les rêves n’ont plus rien de faméliques. Leur lustre rend le bouc novice. Il hallucine à la vue de ces femmes se contentant d’exister devant ses cornes.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Les rayons de lumière entrevus à travers les volets, et le désir d’un café très noir
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Je les ai oubliés, je ne me souviens que de mes désirs, c’était que mes parents se remettent ensemble.
A quoi avez-vous renoncé ?
A rien, j’avance…
D’où venez-vous ?
Du hasard de rencontre d’un spermatozoïde et d’une ovule.
Qu’avez-vous reçu en dot ?
Un physique assez agréable, mais le temps s’en charge.
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
Oui, le chocolat.
Qu’est-ce qui vous distingue des autres artistes ?
Je ne sais pas, chacun est lui.
Comment définiriez-vous votre approche du portrait et de l’éros ?
Le portrait doit refléter l’image du conscient et de l’inconscient, Eros, je l’ai rencontré il y a longtemps, maintenant il se nomme habitude.
Quelle est la première image qui vous interpella ?
Les belles images de vierges avec des enfants, je les copiais déjà toute petite.
Et votre première lecture ?
Tartine Mariol, elle me faisait rire, je m’identifiais à elle, je castagnais dans tous les coins.
Quelles musiques écoutez-vous ?
Musique classique, blues, rock, fado, flamenco.
Quel est le livre que vous aimez relire ?
Il y en a deux que je relis par période, ” Lettre à un jeune poète ” de Rilke, ” Le vieil homme et la mer ” d’Hemingway, mais aussi ” Le meilleur des mondes ” de Aldous Huxley.
Quel film vous fait pleurer ?
Tous, dès qu’il y a un peu de sentiment, je suis une vraie madeleine.
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
Je vois mon image actuelle, interne et externe, heureusement j’ai les fards et le courage pour y remédier.
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
J’aurais aimé écrire tout court.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Les lieux imaginaires, sans trop de descriptions où je peux circuler , même en apesanteur.
Quels sont les artistes et écrivains dont vous vous sentez le plus proche ?
Les peintres dont je me sens le plus proche et que j’admire depuis toujours sont Soutine, Velázquez (ses “Ménines”) Goya, De Kooning, mais il y en a d’autres, les écrivains Proust, Rilke, Baudelaire , je lis un peu tout, mais je ne suis pas une grande intellectuelle.
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Pour mon anniversaire que je ne fête jamais, si c’est possible j’aimerais bien 30 ans de moins pour changer certaines choses.
Que défendez-vous ?
Je défends les enfants et les animaux, on n’y touche pas, c’est le côté Tartine Mariol que j’ai conservé.
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas”?
La phrase de Lacan est énigmatique et tordue, je préfère dire : “Llamour c’est donner tout court, n’attendre rien en échange ”
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ?“
L’absurde, cela fait toujours rire.
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
Qui êtes vous vraiment Victorine?… vous aurez la réponse dans mes peintures.
Présentation et entretien réalisés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 4 juillet 2016.