Jacques Clerc : la communauté « inavouable »
Jacques Clerc propose un double travail sur le volume, l’espace et l’écriture aux frontières d’une abstraction élémentaire entre le différé et le présent. Le texte se perd dans l’œuvre plastique — l’inverse est vrai. Le tout afin de faire avancer l’un comme l’autre. Manière aussi de décentrer le sens. Le texte n’est plus séparé d’une matière qui devient bien plus qu’un support. Les mots y laissent des traces obscures.
Parce que notre futur est de plus en plus provisoire et dérisoire, le travail de Jacques Clerc se frotte de plus en plus à des “lambeaux” mais vers une sorte d’utopie de la vision. D’où la nécessité de cet échange entre la matière et le texte ainsi que l’intensité d’une attention portée à l’espace par ce qui devient une “méthode” paradoxale de construction du réel.
Il existe chez l’artiste diverses manières de mettre à nu le monde en des matières, des techniques et agencements divers. Ils en deviennent les opérateurs et une possibilité “expérimentale” de questionner le réel. Les « silhouettes » insolentes, ou ce qu’il en reste, s’évanouissent pour donner place à des visions en disparitions. Elles procurent des émotions lancinantes voire une forme de sidération par les hypothèses émises à travers le pur plaisir esthétique et celui du texte.
En conséquence, l’artiste aura réussi — à travers sans doute l’exploration de ses propres fantasmes dont nous ne saurons rien — à rendre obsédante la transgression de l’image, puisque là où un grand nombre joue de la pléthore qui engraisse, Jacques Clerc va vers l’effacement et la nécessaire décantation afin de se mettre au service du « poème ».
Preuve qu’à la fin l’artiste revient à l’essentiel : l’image primitive et sourde. L’artiste atteint essence et clarté par le dépouillement majeur là où l’art semble se dérober mais résiste de manière essentielle. Dans la force des stèles et des totems se cache ce qu’il y a de plus fantastique, comme il est fantastique, si l’on accepte d’y penser un peu, de posséder un nez et deux yeux, un nez entre les deux yeux.
jean-paul gavard-perrret
Jacques Clerc, «Sculpture parmi les mots, Espace d’Art François-Auguste Ducros, Grignan, du 18 juin 16 u 4 septembre 2016.