Orsten Groom : La peinture dans tous ses états
Ancien élève de l’ENSBA (promotion Pina Bausch (2009 — 2011), Simon Leibovitz-Grzeszczak (aka Orsten Groom) est un des peintres majeurs de la scène alternative contemporaine. Après des courts métrages allumo-critiques dans les années 2010 (Strilien’s Attack From The Zombie Glove, The Bending Stain, Smarkacz, Parch, Bobok), la galerie Phantom Projects Contemporary présente sa première exposition personnelle.
L’artiste y décline l’apologie du chaos dans un mixage qui tient à la fois des arts rupestres et d’une science-fiction gothique. En lieu et place des images bien précises façons jeux-vidéo, l’artiste opte pour le foisonnement apocalyptique ; le magma de lignes majeures en tierces, secondes, etc. Il en va de même pour les formes. Evêques et démons deviennent les gogo-danseurs d’un cérémonial aussi joyeux que délétère et tenant du grand guignol, du carnaval donc de la parodie. Il n’est pas jusqu’aux rondes macabres à la Bergman de prendre des couleurs et des chorégraphies hirsutes. L’homme n’y est déjà plus ce qu’il était : mais ce n’est pas plus mal.
Osten Groom se « dédouble » en Martus Lupus : à savoir le témoin et démon qui fraye en wonder-mad-man avec les spectres et ectoplasmes et dans les abysses d’un devenir sans futur. Dans les immenses toiles, la catharsis prend les images d’une « purgatio » dont les « sonorités » sortent plus des chaudrons des enfers que des cloches des Pâques. Les vierges saintes sont remplacées par des louves et des prostituées qui font des souteneurs des groseilles à maquereaux.
En ce jugement final, en ce procès en cours — dont Polanski ou Jodorovsky ont donné des pistes — toute une histoires des récits et des genres. Elle swingue du valseur : seule une société ni tolérante ni libre peut encore exister dans ce sacerdoce maladif, jouissif, nocturne et excrémentiel au besoin. Le point de grâce est déjà passé, de quelques minutes peut-être. Mais il est déjà passé. L’âge des miroirs est terminé. Voici venu celui des glaces et des ses pâles haies.
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jean-paul gavard-perret
Orsten Groom, Martus Lupus, galerie Phantom Projects Contemporary, Troyes, 23 avril — 25 mai 2016.