Yannick Haenel, Cercle

Ennui, exas­pé­ra­tion… bref, un Cercle de 500 pages dont on a hâte de sortir

Cercle ou “L’infini” de l’ennui

C’est comme ça. Sans lala­lala. C’est comme ça, c’est tout. Il y a des bou­quins qu’on prend en grippe. Quelle que soit la sai­son. Ces livres-là vous tombent des mains. Ils vous font suer. Les larmes qu’ils vous sou­tirent sont d’épuisement, quand ce n’est pas d’exaspération.

Un homme décide, un matin, de ne plus aller à son tra­vail. (…) Cette expé­rience de liberté lui donne accès à un étrange phé­no­mène - l’événement -, dans lequel se concentrent à la fois le secret de la jouis­sance et la des­truc­tion qui régit le monde., annonce la qua­trième de cou­ver­ture. Réso­nance donc avec le der­nier Rein­hardt, dont nous avons dit, ici même il y a peu, tout le bien qu’on pen­sait. Et puis Gal­li­mard, quand même, col­lec­tion “L’infini” diri­gée par Mon­sieur Sol­lers. Le prix Décembre 2007, enfin.
Eh bien, pour­tant, c’est n’importe nawak.

Que l’histoire soit inexis­tante n’a pas grande impor­tance (à mes yeux).
Que le schéma nar­ra­tif soit aussi fin que :
Par­tie 1 — L’amour à Paris,
Par­tie 2 — La mort à Ber­lin,
Par­tie 3 — La paix dans les pays de l’Est,
est plus embê­tant.
Que l’univers cultu­rel qui baigne le livre soit aussi convenu m’irrite : ici on lit Dos­toïevski, Mel­ville ou Homère, les tableaux sont de Bacon ou de Leo­nard de Vinci, la musique de Dylan. La muse danse pour Pina Bausch ! Waouh, la prise de risque.

Mais tout ça n’est rien à côté du gro­tesque de cer­taines scènes. Je prie désor­mais pour que les pages où le nar­ra­teur, beso­gnant la croupe de son amie face au der­rière de Notre-Dame, étreint en réa­lité la Vierge, s’effacent un jour de ma mémoire, his­toire que je puisse à nou­veau pro­fi­ter des quais de Seine sans rire. Ou pleu­rer. Et pour­quoi cette idée ? Parce que seule une jouis­sance est à la hau­teur de l’intensité qu’il y a dans un corps comme Notre-Dame. C’est le sens de cette aven­ture qui, depuis deux cents pages, conduit la parole à son propre ache­mi­ne­ment.
Ah ouais. Dieu par l’extase. Et Dieu est le Verbe. Ah ouais, fortiche.

Enfin, pour­quoi l’école buis­son­nière de notre nar­ra­teur l’oblige-t-elle à déni­grer le reste de l’humanité ? Pour­quoi la liberté qu’il s’octroie doit-elle se trans­for­mer en mépris du monde ?
Les corps, dans la rue, je ne pou­vais plus les sup­por­ter. (…) Je me disais : voilà, ils sont morts, ou plu­tôt la mort les anime ; ils sont por­tés par la mort qui les fait vivre. Embar­qués mais vers où ? nulle part, vers la vie qu’ils mènent, en chlo­ro­forme, comme des bêtes galeuses envoû­tées dans le poi­son. 
Et, comme ça, cycli­que­ment dans le roman, le vul­gum pecus est insulté. Parce qu’il va au tra­vail. Qu’il y per­çoit un salaire. Qu’il dépense pen­dant les soldes.

En même temps, tout le monde ne peut pas pas­ser son temps au lit avec des dan­seuses, hein ? Dieu nous en pré­serve, cela dit :
Si l’on pas­sait tout notre temps dans des étreintes, si l‘on par­ve­nait vingt-quatre heures sur vingt-quatre à tirer de nos corps leur jouis­sance, “Cercle” s’écrirait tout seul, car cette jouis­sance coïn­cide avec l’écriture de ce livre.
Vous voyez le tableau ? Une épi­dé­mie de Cercle(s) !

Ampoulé, va.

g. menan­teau

   
 

Yan­nick Hae­nel, Cercle, Gal­li­mard coll. “L’Infini”, aoùut 2007, 500 p. — 21,00 €.

 
     
 

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