Six personnages en quête d’auteur (Luigi Pirandello/Stéphane Braunschweig)

Le direc­teur de la Col­line ouvre la sai­son de façon effi­cace et allègre

Le pla­teau, ouvert aux regards des spec­ta­teurs qui s’installent, est par­tagé en deux : blanc à gauche, noir à droite, espace où l’un lec­teur semble tra­vailler son texte. Il est rejoint par d’autres membres d’une troupe de comé­diens. Leur pro­pos déve­loppe d’abord des consi­dé­ra­tions sur le théâtre, propres à jus­ti­fier leur pra­tique : rap­port de la fic­tion au réel, fonc­tion psy­cho­lo­gique ou socio­lo­gique du théâtre, rôles res­pec­tifs du texte et du per­son­nage. Ce pro­logue conduit au sur­gis­se­ment des « per­son­nages », qui semblent faits pour illus­trer les débats pré­cé­dents : des acteurs se pré­sen­tant comme n’ayant pas d’autre iden­tité que celle de « per­son­nages » enva­hissent la scène et cap­tivent l’attention de la troupe. De la dis­pute de ces « per­son­nages » nés sans spec­tacle naît une espèce de pièce qui sai­sit les acteurs au tra­vail, eux aussi en mal de texte.
La mise en scène redouble le contraste entre les deux plans de l’action : celui des « per­son­nages » pri­son­niers de leur rôle, celui des inter­prètes inter­rom­pus dans leur tra­vail. Les uns s’imposent dans leur sim­pli­cité, pro­je­tant leur ombre sur le fond blanc, les autres se reflé­tant dans le miroir sombre qui consti­tue le fond de la par­tie obs­cure de la scène. Les « per­son­nages », bien emme­nés par Phi­lippe Girard, ont ten­dance à sur­jouer, tan­dis que les autres se pré­sentent de manière spontanée.

© Eli­sa­beth Carecchio

La repré­sen­ta­tion se consti­tue au moment où, les inter­prètes adoptent le rôle des « per­son­nages ». ces der­niers se montrent atta­chés à leur iden­tité de rôle au point de refu­ser d’être joués, ce qui donne lieu à quelques scènes cocasses venant agré­men­ter la teneur un peu théo­rique du pro­pos. Sté­phane Braun­sch­weig a choisi d’adapter le texte de Piran­dello en lui don­nant des réso­nances contem­po­raines, intro­dui­sant des répliques évo­quant les rea­lity shows, inter­net, le « sofi­tel ». Il par­vient aussi, par l’usage de la scène dans la scène, de dif­fé­rents arti­fices vidéos qui iden­ti­fient les inter­ven­tions de l’auteur, les évo­ca­tions du passé, à flui­di­fier le texte par­fois lour­de­ment didac­tique de l’auteur ita­lien.
Bien sûr, ces options sont contes­tables : ainsi de la figu­ra­tion de l’imagination par une nébu­leuse indis­tincte, ainsi de l’introduction de la dis­cus­sion sur la post-dramaturgie, ainsi de la fin, sur­faite, en forme d’ultime clin d’œil à/de Piran­dello. Mais le spec­tacle est cohé­rent et réjouis­sant : il sol­li­cite l’attention et la réflexion. Le direc­teur de la Col­line a honoré son contrat, en ouvrant la sai­son de façon effi­cace et allègre.

chris­tophe giolito

Six per­son­nages en quête d’auteur
D’après Luigi Pirandello

adap­ta­tion, mise en scène et scé­no­gra­phie de Sté­phane Braunschweig

avec Elsa Bou­chain, Chris­tophe Brault, Caro­line Cha­niol­leau, Claude Dupar­fait, Phi­lippe Girard, Anthony Jeanne, Maud Le Gré­vel­lec, Anne-Laure Tondu, Manuel Val­lade, Emma­nuel Vérité, avec la par­ti­ci­pa­tion d’Annie Mercier

cos­tumes Thi­bault Van­crae­nen­broeck lumière Marion Hew­lett col­la­bo­ra­tion artis­tique Anne-Françoise Ben­ha­mou col­la­bo­ra­tion à la scé­no­gra­phie Alexandre de Dar­del son Xavier Jac­quot vidéo Sébas­tien Marrey

assis­tantes à la mise en scène Pau­line Rin­geade et Cathe­rine Umbdenstock

Pro­duc­tion La Col­line — théâtre natio­nal copro­duc­tion Fes­ti­val d’Avignon La Col­line, La Col­line, 15 rue Malte-Brun Paris 20e, métro Gam­betta, tel. 01 44 62 52 52 Grand Théâtre

du 05 Sep­tembre 2012 au 07 Octobre 2012, durée 2h envi­ron du mer­credi au samedi à 20h30, le mardi à 19h30 et le dimanche à 15h30

Le texte de la pièce a paru aux Édi­tions Les Soli­taires Intempestifs.

Théâtre natio­nal de Bre­tagne, Rennes du mer­credi 10 au samedi 20 octobre 2012 La Fila­ture, Scène natio­nale, Mul­house du mer­credi 24 au ven­dredi 26 octobre 2012 Théâtre de L’Archipel, scène natio­nale, Per­pi­gnan les jeudi 8 et ven­dredi 9 novembre 2012 Théâtre de la Cité, Théâtre natio­nal de Toulouse-Midi-Pyrénées (TNT) du mer­credi 14 au ven­dredi 16 novembre 2012 Scène natio­nale de Sénart, Combs-la-Ville du jeudi 22 au samedi 24 novembre 2012 La Pas­se­relle, Scène natio­nale, Saint-Brieuc mer­credi 28 et jeudi 29 novembre 2012 Centre Dra­ma­tique Natio­nal Orléans/Loiret/Centre du mer­credi 5 au ven­dredi 7 décembre 2012 La Comé­die de Valence, Centre dra­ma­tique natio­nal mer­credi 12 et jeudi 13 décembre 2012 Centre dra­ma­tique natio­nal de Besan­çon et de Franche-Comté jeudi 20 et ven­dredi 21 décembre 2012 Théâtre Lorient, Centre dra­ma­tique natio­nal de Bre­tagne (CDDB) jeudi 10 et ven­dredi 11 jan­vier 2013 Théâtre de Caen du mer­credi 16 au ven­dredi 18 jan­vier 2013

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