Anders Petersen, Valparaiso

A bout de bras, au bout du monde, tenir

Dans l’oeuvre d’Anders Peter­sen, quoique à marée basse, l’existence tient encore le coup face au peu qu’elle est. Si elle se vivait dans un avion, le capi­taine lan­ce­rait un : « rele­vez vos fau­teuils, rabat­tez les tablettes ! ». Mais les voya­geurs de l’asphalte ignorent la peur dans un coin des plus per­dus du monde : Val­pa­raiso. Ils ne connaissent que le bour­don. Et lorsqu’il leur glace les os, ils s’accrochent à une autre épave. Cha­cun remet sa tour­née en une liai­son de langues pour redres­ser quelque peu le cours de sa des­ti­née. Il y à la césure de bri­co­lage et flam­bée de brous­sailles. Le monde est celui du port, des rues basses, des bars et hôtels de passe ou de passage.

Pour autant, Peter­sen ne joue par du misé­ra­bi­lisme . Il retient l’éclat de vie. Il est sans doute déri­soire mais c’est tout de même un éclat. Qu’importe si les roses se fanent et leurs tuteurs itou. Quelque chose arrive encore. Tourne tou­pie lorsqu’un corps offre sa ten­dresse et un cer­tain feu.
Certes, les ombres ne retrou­ve­ront pas la « Rose pourpre du Caire » ni la Grad­sca de Fel­lini , mais elles cultivent le « care » — cette nou­velle com­mo­dité de la conver­sa­tion. Il s’agit au besoin de s’accrocher à une fée-mère dans l’éphémère. Sans doute pour ne pas perdre le fil lorsque l’autre pren­dra sa poudre d’escampette. Celui-là est ténu mais il faut le tenir pour avan­cer encore — du moins tant que faire se peut.

jean-paul gavard-perret

Anders Peter­sen, Val­pa­raiso, Edi­tions André Frère, Roque­vaire, 2015.

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