Pour ne pas oublier la Tchétchénie alors que la Russie est l’invitée d’honneur du Salon du Livre de Paris 2005
Alors que le Salon du Livre de Paris 2005 met à l’honneur la littérature russe, la littérature tchétchène s’y invite. Un débat sur la guerre en Tchétchénie a eu lieu samedi 19 mars avec l’auteur Soultan Iachourkaev (Iakh, nouvelle parue dans l’ouvrage Des nouvelles de Tchétchénie aux éditions Paris-Méditerranée), le Comité Tchétchénie et les éditions Autrement, La Découverte et Paris-Méditerranée. Le président de la Russie, Vladimir Poutine, en visite à Paris, n’a pas jugé bon de se rendre Porte de Versailles — un déplacement qui aurait pu s’avérer houleux.
L’occasion était trop bonne pour Courrier International de rappeler le drame qui se joue aux confins de l’Europe sous la houlette russe. Un précieux dossier de seize pages nous donne une vision d’une littérature qui sait s’exprimer alors même qu’elle ne s’exporte que très peu en France.
De tous temps, les langues française et russe se sont côtoyées. À la cour des tsars, le français était la langue des nobles. Voltaire y avait été accueilli en héros. En France, l’importance prise après guerre par Soljenitsyne découle des Gogol, Tolstoï, Pouchkine et autres Dostoïevski. Plus récemment Nina Berberova chez Actes Sud a perpétué la tradition slave.
Malheureusement, si la littérature russe est omniprésente dans notre paysage livresque, ce n’est pas le cas de la littérature de langue russe. Avec ce dossier réalisé par Laurence Habay, nous avons l’occasion de nous racheter. Quinze auteurs y sont présentés. Très peu sont édités en France. La plupart sont réunis dans un recueil de nouvelles - Des nouvelles de Tchétchénie, publié aux éditions Paris-Méditerranée.
Ils s’appellent Soultan Iachkourev, Moussa Akhmadov, Aza Bazorkina… Leurs noms suffisent déjà à nous faire rêver. On a coutume de dire que lorsqu’on est au coeur de l’Histoire, on redonne naissance à la littérature. La Tchétchénie est depuis trop longtemps en lutte contre le voisin russe. Alors ce n’est sûrement pas un hasard si certains, tel Moussa Guechaev (Les Tchétchènes célèbres — Znamenityé Tchetchentsy, 1999), sont des icônes vivantes et de véritables dangers pour Moscou.
La guerre les a façonnés. Certains se sont exilés pour mieux témoigner de ce qu’ils ont vu et vécu. Zamboulat Idiev reproche aux militaires russes de ne pas avoir lu Pouchkine et ne s’étonne plus de leur cynisme. Dans ce dossier du Courrier International, une interview intéressante lui est consacrée.
Le dossier, quoique forcément partial, montre une nouvelle image de cette littérature slave qui nous a tant fait rêver par sa justesse de l’approche de l’humain. Il ne reste qu’à espérer que Des nouvelles de Tchétchénie ne sera pas un coup d’épée dans l’eau, que la brèche ouverte par Paris-Méditerranée va très vite s’agrandir et qu’à l’instar de la Suisse et de l’Allemagne, la France va, à travers ses éditeurs, se pencher avec toute l’attention qu’il mérite sur ce petit pays martyrisé.
À noter que ce dossier comprend une liste exhaustive de sites Internet à consulter pour mieux comprendre la situation chaotique qui règne en Tchétchénie ainsi qu’un index bibliographique qui présente la littérature du pays.
j. vedrenne
Dossier établi par Laurence Habay, “Écrire à Grozny — Quinze écrivains tchétchènes face à leur peuple”, Courier International n°750 (17 au 23 mars), 2005, 16 p. — 3,00 €. |
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