Les dessins de Sarah Haug semblent simples : de fait, ils sont compliqués car le monde y dérive entre femmes, animaux, étranges fougères, etc. Quant au ciel, il est absent afin que les nuages n’y apparaissent jamais. De sa tête et de ses mains, la Bernoise brise les apparences. Tout semble suspendu par des fils invisibles. L’artiste cherche les formes qui sauront la contenter en l’apprivoisement de sa gestuelle. Au fil du temps, celle-ci est devenue familière, quoique bien souvent trouble et résolument tournée vers l’expression acide et poétique. Le monde est en fête, il devient léger. Une femme aux cents sourires se faufile entre les choses et des animaux qui ne se doutent de rien.
Entretien :
Qu’est-ce qui vous fait lever le matin ?
Cela dépend des jours, mais je me réjouis toujours de boire un bon café.
Que sont devenus vos rêves d’enfant ?
Pour autant que je me souvienne bien, ils sont bien vivants, mais pas encore réalisés. Mais je me sens sur la bonne voie.
A quoi avez-vous renoncé ?
A m’emmerder moi-même.
D’où venez-vous ?
De Berne.
Qu’avez-vous reçu en dot ?
Une bonne dose de rage.
Qu’avez vous dû “plaquer” pour votre travail ?
Probablement de la stabilité, des assurances, de la compréhension.
Un petit plaisir — quotidien ou non ?
Se laisser couler dans une chanson.
Quelle fut l’image première qui esthétiquement vous interpella ?
Une image dont je me souviens très bien, c’est la photo : Candy Cigarette, 1969, de Sally Mann.
Et votre première lecture ?
Mein Baumhaus, Erwin Moser
Pourquoi votre attirances vers la mise en abîme du “réel » ?
J’aime tester des possibilités, essayer de dilater les idées, et j’aime surtout beaucoup m’amuser et dessiner des trucs débiles. Je ne m’étais pas vraiment rendue compte que l’effet pouvait être une mise en abyme du « réel », pour moi c’est plutôt des jeux et des vies imaginaires. Une manière de triompher.
Quelles musiques écoutez-vous ?
J’écoute souvent la station de radio WFMU qui est excellente, avec des émissions préférée comme celles de: Liz Berg, Scott Williams, Jason Sigal, Put the needle on the record etc. J’aime beaucoup de choses et j’aime découvrir– en général on peut dire que c’est dans le registre rock, punk, electronica, musiques pops, j’adore mais je ne retiens malheureusement pas beaucoup de noms.
Quel est le livre que vous aimez relire ?
Ce n’est pas tellement dans mes habitudes de relire des livres. Enfant oui, j’avais mes grands classiques. Aujourd’hui, Internet a un peu lobotomisé ma capacité d’attention. Mais cette question me donne envie de relire « Acid Test » de Tom Woolfe.
Quel film vous fait pleurer ?
Des histoires d’amitiés, de loyauté déçues. « Hachiko Monogatari » est le film le plus triste du monde. Ou encore « Let me in » une histoire d’amitié entre un enfant vampire et un autre enfant.
Quand vous vous regardez dans un miroir qui voyez-vous ?
Une ado plus très jeune, mais bien conservée.
A qui n’avez-vous jamais osé écrire ?
J’ai envie d’écrire à Jody Barton, un illustrateur, pour lui demander conseil pour mes éditions limitées. Mais j’ai peur de ne pas savoir quoi lui demander. Il y a plein de gens que j’admire et que je rêve de rencontrer.
Quel(le) ville ou lieu a pour vous valeur de mythe ?
Istanbul, c’est une ville où on sent qu’on est dans un lieu quelque part d’important. New York des années 70–80, mais c’est le passé. J’aimerais beaucoup aller à Johannesburg, Bogota, L.A.. Manila est la destination de mon voyage mental en cours.
Quels sont les artistes dont vous vous sentez le plus proche ?
J’aime beaucoup Laurie Anderson. Une artiste dont j’aime beaucoup le travail aussi est Aya Takano, mon coeur fond pour le travail de Sally Cruikshank. Et beaucoup de musiciens. J’ai une idée d’artistes que j’aimerais trop rencontrer, mais je ne sais pas où il se trouvent. J’admire les gens qui ont le courage d’avoir une opinion. Et je me sens proche des designers de mode parce qu’ils inventent aussi des personnages et travaillent avec des collections. Evidemment de mon compagnon Josse Bailly, et de mes amis Hayane Kam Nakache et Mara Krastina. Et bien sûr Helge Reumann, mon nouveau collègue d’atelier
Qu’aimeriez-vous recevoir pour votre anniversaire ?
Des vacances au bord d’une belle plage avec des vagues, avec des bon petits plats entre amis tous les soirs.
Que défendez-vous ?
La liberté pour chacun-e de se définir soi-même.
Que vous inspire la phrase de Lacan : “L’Amour c’est donner quelque chose qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas »?
Cette phrase est pour moi une prise de tête de trop.
Que pensez-vous de celle de W. Allen : “La réponse est oui mais quelle était la question ? »
Là, je suis d’accord…
Quelle question ai-je oublié de vous poser ?
Si j’étais un animal, je serais un mélange entre un chat et un oiseau.
Présentation et entretien réalisés par jean-paul gavard-perret pour lelitteraire.com, le 6 juin 2015.