Eric Metzger est enfant de son siècle. Il va au galop et évite au roman de formation sa lourdeur classique. Plutôt que de raconter ce que fut son narrateur (semblable et plus que frère), il fait le bilan de sa vie selon une diagonale du fou. Elle rappelle celle qui fut proposée dans la fameuse pièce puis film de Balasko Nuit d’ivresse. Preuve que l’auteur, plutôt que de jouer les prétentieux qu’il aurait pu être — on est péteux lorsqu’on a vingt ans -, traverse le temps comme il traverse cette nuit entre Batignolles, Quartier Latin et autres points névralgiques parisiens.
Devenu trentenaire, Félix — quoique pas forcément heureux — découvre de nouveaux domaines de sa lutte. S’inspirant de lieux parisiens qu’il arpente et qu’il a « habités », il retient ceux qui dessinent la cours de ses miracles. Que bien, que mal, ils le sortent de sa coquille et de verts paradis (d’autres prendront le relais en diverses couleurs). Sous effet de dérive, le « sois qui tu deviens » et le « deviens qui tu es » du duo Nietzsche-Michaux sont réunis de manière ludique et intelligente dans une dérive hybride. Elle avance dans le crépuscule des souvenirs et dans un imaginaire nocturne vers le jour.
Sous la lune, un soleil, souvent rouge est là, il surplombe la narration du passage de l’état de jeune homme à homme jeune. Beaucoup mettent bien plus de temps afin d’y parvenir…
jean-paul gavard-perret
Eric Metzger, La nuit des trente, Gallimard, Collection L’Arpenteur, 2015, 112 p.