Eclats punks de la poésie et des arts
Fondée par Julien Blaine puis repris par le Collectif Akenaton de Jean-Philippe Castellin, la revue Doc(k)s depuis sa création crée des hymens improbables au sein de diverses configurations poétiques et plastiques. Soulevant l’espace des ténébreuses présences de gouffres politiques, sociaux, poétiques, artistique l revue propose des hors-champs. Rampent dans des lieux interlopes des flammes qui par instants lèchent le bord des vies en disparition pour les mettre en lumière. Les messages politiques et sociaux ne restent jamais implicites même si les œuvres retenues (celles récemment de Joël Hubaut par exemple) ne sont jamais frivoles. Le manque, l’absence créent la dimension de l’altérité. Poètes et artiste retenus mettent à nu l’état du monde, montrent sa froideur et sa cruauté auxquels ils répondent par leur propre glaciation ou son humour. Mais dans tous les cas de “figures”, le corps reste obscur. Il se retrouve isolé dans le vide. Au mieux, il est entouré de ses frères clones, vestiges des vestiges de notre civilisation.
Originalité de la revue pluridisciplinaire : chaque œuvre tourne autour d’une autre mais parfois sans forcément le moindre partage ou entente. Chaque présence peut sembler une exécution. Mais cela évite toute connivence et propose une danse de silhouettes apparemment inaliénables loin de tout apex d’embrassement dans des rituels ou cérémonies secrètes et froides. Dock(s) préfère le feu des enfers. Les œuvres brûlantes engendrent une méditation ironique de l’homme lorsqu’il recherche des certitudes comme balises de vie. La revue montre comment le doute nourrit l’être en décalant la tradition de l’art et de la poésie.
Il y a là une “suite d’objets verbico-visuels non identifiés” en quête d’une poésie totale propre à débrouiller les repérages et les formes de savoir. Tout est tourné vers le bruitisme, l’internationalisme, la vocifération matérielle, l’aléatoire, la poésie sonore ou élémentaire. S’y croisent Cathy Acker, John Giorno, Gerasim Luca, Bernard Heidsieck (récemment disparu). Tout s’y dézone dans les turbulences inventées par Artaud, Queneau mais aussi Dante. La seule poésie retenue est l’ovniesque. D’où l’importance de ce corpus de plus de mille pages.
Différents médiums, (peintures, photographies, vidéos, sons, textes) créent un univers étrange où l’être demeure une énigme. Il est divisé entre réalisme onirique, fantasmagories grotesques, carnavals anonymes dans un brouillement d’échelles de représentation. Le fait « monstrueux » d’une telle revue réside dans la non séparation du monde et l’être comme des arts entre eux. La poésie et la fiction justifient les arts visuels et sonores dans une passion et une radicalité qui ne se démentent jamais.
jean-paul gavard-perret
Doc(k)s, Morceaux choisis, 1976–1989, Al Dante, 2015, 1009 p. — 30,00 €.