Doc(k)s, Morceaux choisis, 1976–1989

Eclats punks de la poé­sie et des arts

Fondée par Julien Blaine puis repris par le Col­lec­tif Ake­na­ton de Jean-Philippe Cas­tel­lin, la revue Doc(k)s depuis sa créa­tion crée des hymens impro­bables au sein de diverses confi­gu­ra­tions poé­tiques et plas­tiques. Sou­le­vant l’espace des téné­breuses pré­sences de gouffres poli­tiques, sociaux, poé­tiques, artis­tique l revue pro­pose des hors-champs. Rampent dans des lieux inter­lopes des flammes qui par ins­tants lèchent le bord des vies en dis­pa­ri­tion pour les mettre en lumière. Les mes­sages poli­tiques et sociaux ne res­tent jamais impli­cites même si les œuvres rete­nues (celles récem­ment de Joël Hubaut par exemple) ne sont jamais fri­voles. Le manque, l’absence créent la dimen­sion de l’altérité. Poètes et artiste rete­nus mettent à nu l’état du monde, montrent sa froi­deur et sa cruauté aux­quels ils répondent par leur propre gla­cia­tion ou son humour. Mais dans tous les cas de “figures”, le corps reste obs­cur. Il se retrouve isolé dans le vide. Au mieux, il est entouré de ses frères clones, ves­tiges des ves­tiges de notre civilisation.

Origi­na­lité de la revue plu­ri­dis­ci­pli­naire : chaque œuvre tourne autour d’une autre mais par­fois sans for­cé­ment le moindre par­tage ou entente. Chaque pré­sence peut sem­bler une exé­cu­tion. Mais cela évite toute conni­vence et pro­pose une danse de sil­houettes appa­rem­ment inalié­nables loin de tout apex d’embrassement dans des rituels ou céré­mo­nies secrètes et froides. Dock(s) pré­fère le feu des enfers. Les œuvres brû­lantes engendrent une médi­ta­tion iro­nique de l’homme lorsqu’il recherche des cer­ti­tudes comme balises de vie. La revue montre com­ment le doute nour­rit l’être en déca­lant la tra­di­tion de l’art et de la poésie.

Il y a là une “suite d’objets verbico-visuels non iden­ti­fiés” en quête d’une poé­sie totale propre à débrouiller les repé­rages et les formes de savoir. Tout est tourné vers le brui­tisme, l’internationalisme, la voci­fé­ra­tion maté­rielle, l’aléatoire, la poé­sie sonore ou élé­men­taire. S’y croisent Cathy Acker, John Giorno, Gera­sim Luca, Ber­nard Heid­sieck (récem­ment dis­paru). Tout s’y dézone dans les tur­bu­lences inven­tées par Artaud, Que­neau mais aussi Dante. La seule poé­sie rete­nue est l’ovniesque. D’où l’importance de ce cor­pus de plus de mille pages.
Dif­fé­rents médiums, (pein­tures, pho­to­gra­phies, vidéos, sons, textes) créent un uni­vers étrange où l’être demeure une énigme. Il est divisé entre réa­lisme oni­rique, fan­tas­ma­go­ries gro­tesques, car­na­vals ano­nymes dans un brouille­ment d’échelles de repré­sen­ta­tion. Le fait « mons­trueux » d’une telle revue réside dans la non sépa­ra­tion du monde et l’être comme des arts entre eux. La poé­sie et la fic­tion jus­ti­fient les arts visuels et sonores dans une pas­sion et une radi­ca­lité qui ne se démentent jamais.

jean-paul gavard-perret

Doc(k)s, Morceaux choi­sis, 1976–1989, Al Dante, 2015, 1009 p. — 30,00 €.

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