A la mécanisation chronologique du temps, Fabienne Jacob préfère la synthèse. Une dynamique remplace la progression inéluctable par une stérilisation excluant la nature normative de Chronos. Plutôt que d’être engagé dans un temps administratif, le roman gagne en intelligence par une interprétation poétique où l’autre (entendons l’Else du livre) est un je.
La romancière prouve combien les grands désirs font les grandes lucidités dans un puzzle temporel anti-proustien pour saisir l’être là où le poids des ans se brouille et s’allège. L’a-temps rafle la mise dans une fascination non de soi mais des autres en soi. L’Else ne se meurt donc jamais. Son prénom « qui pique » montre qu’en débloquant tous les autres âges l’être devient à la fois un mais multiple., identité mais en constante évolution selon plusieurs axes. Le roman devient philosophique mais en se démettant de toute glose.
Le temps s’entortille et s’enchante sans forme définitive. Il est ni devant, ni derrière ; il est partout et provisoirement illimité. La mémoire disparaît mais non par oubli. Elle n’est plus prison mais liberté. Elle est comme soustraite au tracé chronologique selon différents effets de décadrages qui achoppent sur un « insupprimable » particulier que Fabienne Jacob ne cesse de chercher.
Son roman travaille une immanence en perpétuelle révolution au sens premier du terme. Le temps passé n’est plus une terre perdue : en surgit sans cesse une nouvelle : elle a autre chose à dire ou à montrer.
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jean-paul gavard-perret
Fabienne Jacob, Mon âge, Gallimard, Paris, 2014, 176 p. — 16,90 €.