Thierry Cohen, Je n’étais qu’un fou

Les affres de la créa­tion mènent-elles à la folie ?

Samuel San­der­son voit sa vie de père de famille tran­quille voler en éclat le jour où son pre­mier roman devient un best-seller. Grisé par sa sou­daine noto­riété,  il enchaîne les  romans et les conquêtes fémi­nines. Il se sépare de son épouse, délaisse sa fille, et s’installe dans une vie luxueuse et facile dans l’Upper East Side à New York. Très vite cepen­dant, l’ennui le guette, le manque de créa­ti­vité le ronge.
Jusqu’au jour sa rou­tine est inter­rom­pue par l’arrivée d’un mes­sage sur son compte Face­book : « je suis toi dans vingt ans et je viens t’avertir des drames à venir ». Plai­san­te­rie de mau­vais goût ? Fas­ci­na­tion mor­bide d’une fan délais­sée ? Acte d’un confère jaloux ? Samuel n’y prê­te­rait aucune atten­tion si les mes­sages ne com­men­çaient à se mul­ti­plier et à lui four­nir des infor­ma­tions per­son­nelles sur son vécu, mais très étran­ge­ment aussi sur des faits qui ne se sont pas encore pro­duits. Samuel serait-il en train de perdre la tête ? Recevrait-il vrai­ment des mes­sages du futur ? Ou voudrait-on lui tendre un piège des plus diaboliques ?

Thierry Cohen n’est plus à pré­sen­ter. Depuis le suc­cès de Long­temps, j ai rêvé d’elle, Si un jour la vie t’arrache à moi, il entraîne sou­vent le lec­teur entre réa­lité et fan­tas­tique, et amour et mys­ti­cisme sont les ingré­dients récur­rents de ses romans. Avec Je n’étais qu’un fou, il construit un récit riche en sus­pense. Tel Dorian Gray face à son por­trait, son héros est prêt à perdre son âme pour conti­nuer à pro­fi­ter de sa réus­site sociale. Samuel est un héros tor­turé, hanté par la peur de déce­voir et de som­brer dans la rou­tine d’une vie qu’il a accep­tée jusqu’au moment où il reçoit ces étranges mes­sages.
L’auteur nous trans­met aisé­ment l’angoisse de la page blanche et la crainte de som­brer dans la faci­lité dés les pre­mières pages du roman. Ce qu’on pour­rait cepen­dant lui repro­cher est d’y consa­crer une trop longue pre­mière par­tie qui fini­rait presque par nous ennuyer et nous rendre le héros com­plè­te­ment anti­pa­thique. Heu­reu­se­ment pour le lec­teur, l’action est relan­cée dés la seconde par­tie, et l’on finit par suivre l’enquête menée par Samuel avec curio­sité, jusqu’à un dénoue­ment qui fait vrai­ment réflé­chir sur le revers de la médaille.
Doit-on tout sacri­fier au suc­cès ? Deve­nir un robot sans âme et mettre en péril tout ce qui a fait de nous un homme pour accé­der à une gloire éphe­mère, menant tout droit à cer­tains para­dis arti­fi­ciels ? Dans tous les cas, la route pavée de mau­vaises inten­tions que suit Samuel le mène tout droit en enfer… le génie semble avoir un prix à payer, à vous de décou­vrir lequel.

franck bous­sard

Thierry Cohen, Je n’étais qu’un fou, Flam­ma­rion, 2014 , 363 p. — 19,90 €.

 

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