Hervé Castanet , Pierre Klossowski, Corps théologiques et pratiques du simulacre

Liqui­da­tion du nu en tant que sujet

Profes­seur des uni­ver­si­tés, membre de l’École de la Cause freu­dienne et de l’Association mon­diale de psy­cha­na­lyse, Hervé Cas­ta­net est direc­teur de la (superbe) revue Il Par­ti­co­lare. Psy­cha­na­lyste à Mar­seille, il a publié une ving­taine de livres, entre autres sur la cli­nique des psy­choses, les liens de la lit­té­ra­ture, de l’art avec la psy­cha­na­lyse. Spé­cia­liste de l’œuvre de Pierre Klos­sowski, dans ce livre (suivi d’une inter­view avec Denise, l’épouse du peintre), l’auteur liquide la ques­tion du nu en tant que « sujet ». Le des­tin d’Actéon — auquel l’écrivain et ses héros mas­cu­lins sont iden­ti­fiés — demeure en point de mire au nom d’une inter­ro­ga­tion essen­tielle pour Klos­sowski : com­ment voir l’invisible divi­nité ?
L’artiste et écri­vain l’a dépla­cée dans divers rituels por­no­gra­phiques réité­rés. Le corps, pris par le désir et ses « démons », devient l’espace d’une ren­contre par­ti­cu­lière. Il trans­forme la por­no­gra­phie en une théo­lo­gie. Entre autres et en pre­mier lieu, le corps de Roberte (per­son­nage clé de l’œuvre à laquelle Denise l’épouse prête sa phy­sio­no­mie) ins­crit cette pos­tu­la­tion au sein d’un spec­tacle dit obs­cène mais qui devient, comme l’écrit Cas­ta­net, « la preuve logique d’un nou­vel être-suprême-en-méchanceté (dans la suite des décou­vertes de Sade) que Klos­sowski nomme Dieu ».

Touchant à l’aspect “lit­té­ral” de l’œuvre, l’analyste prouve que le tableau et le texte ne sont plus les simu­lacres exor­ci­sants de quelque obses­sion phan­tas­ma­tique. Ils font plus et mieux car ils n’imitent pas l’anatomie : ils en inventent une autre avec un plus haut degré de per­cep­tion qui tient de la voyance et non de la vision. L’outrement dire comme l’outrement voir plongent dans un abîme de pro­fon­deur pour une fas­ci­nante tra­ver­sée et mon­tée.
La langue plas­tique com­mence par trem­bler avec « l’abord de l’abord », en refu­sant la peur et en allant de plus en plus loin jusqu’à s’apparaître à elle-même pour atteindre un effroi pur. L’image est donc autre chose qu’une image et les mots ne sont pas que des signes. Ils pos­sèdent cha­cun une exis­tence phy­sique, une concré­tude, une acti­vité pra­tique. Elles rap­pellent “la bar­ba­rie et le désordre” écrit Cas­ta­net. L’anatomie humaine se trouve donc résor­bée par d’autres lois. Une céleste iro­nie méta­phy­sique vient prendre à rebours la pro­duc­tion arbi­traire de phan­tasmes pour entraî­ner vers la spé­cu­la­tion haut de gamme. Elle ne se limite en rien à l’anatomie de « Roberte ce soir ». Ou d’un autre soir.

jean-paul gavard perret

Hervé Cas­ta­net , Pierre Klos­sowski, Corps théo­lo­giques et pra­tiques du simu­lacre, La Lettre Volée, Bruxelles, 2014, 432 p. — 31,00 €.

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